CO N°1271 (9 octobre 2021) – Il y a 60 ans, le massacre des Algériens à Paris

Le 17 octobre 1961, les forces de police de Paris ont attaqué violemment une manifestation pacifique de travailleurs algériens organisée par des partisans de l’Algérie algérienne. À cette date, la fin de la guerre pour l’indépendance de l’Algérie est proche, des négociations ont débuté en mai 1961.

Cette lutte pour l’indépendance avait commencé le 1er novembre 1954, pour répondre aux souffrances des Algériens traités comme des citoyens de seconde zone dans leur propre pays colonisé par la France depuis plus d’un siècle. Des dizaines de milliers d’ouvriers algériens travaillent en France. À cette époque ils sont dénommés « Français musulmans d’Algérie ».

Le 3 octobre 1961 le préfet de police de Paris, Papon, décrète le couvre-feu pour les seuls Algériens. Contre cette mesure discriminatoire, injuste, la Fédération de France du FLN organise une manifestation. Le FLN, Front de Libération Nationale, est l’organisation principale qui mène en Algérie la lutte pour l’indépendance. Elle a des combattants en France.

Le massacre

Les manifestants, 15 000 à 30 000, arrivent en bus, en métro. Ils viennent des quartiers ouvriers autour de Paris, comme le bidonville de Nanterre où ils sont nombreux. Les armes sont interdites par les organisateurs de la manifestation. Il y a des femmes, des enfants.

Dès leur arrivée à Paris vers 18 h, les manifestants sont encerclés par les forces armées, des policiers, des gendarmes, et même des civils partisans de l’Algérie française, armés de matraques, de révolvers. Les violences ont lieu dans plusieurs quartiers de Paris et dans les banlieues proches. Des manifestants sont bousculés, battus, voire tués par balles. Des femmes venues manifester avec leurs enfants sont bousculées, invitées à monter dans des cars de police qui les emmènent aux commissariats où elles seront battues, parfois tuées. Au stade Coubertin et surtout au parc des Expositions-Porte de Versailles, dans les centres de police où les Algériens sont conduits pour « identification », la violence est extrême, il y a des bains de sang. Certains sont jetés dans la Seine. Leurs corps seront retrouvés les jours suivants. Malgré une telle violence, les autorités déclarent trois morts ! Les victimes sont beaucoup plus nombreuses. Entre ceux noyés dans la Seine et ceux tués dans les commissariats, il est question de 200 à 300 morts. Il y a des centaines de blessés. Il y aura aussi des interpellations et 1 800 renvois en Algérie.

Les massacreurs

Le préfet de police Maurice Papon fait partie des responsables en France de la tendance dure qui refuse l’indépendance de l’Algérie. Ce sinistre individu sera mieux connu en 1997 lors de son procès pour « complicité de crime contre l’humanité ». Entre 1942 et 1944, pendant l’occupation de l’Allemagne nazie en France il était secrétaire général de la préfecture de la Gironde et a organisé le départ de 1 560 Juifs de Bordeaux qui seront déportés et assassinés au camp de concentration d’Auschwitz. À Paris, le préfet de police Papon est aussi responsable d’attaques contre le Parti communiste et les syndicats ouvriers qui aident les militants algériens. Autour de lui des policiers soutiennent les fanatiques français de l’OAS (Organisation de l’armée secrète) organisation terroriste pour l’Algérie française.

Si dans le monde, la manifestation du FLN a été saluée et sa répression dénoncée, le gouvernement français a longtemps cherché à étouffer l’événement. Les rescapés de la manifestation du 17 octobre 1961, meurtris certes, ont été fiers de leur boycott du couvre-feu. Hommes comme femmes se disaient prêts à recommencer une telle action le 1er novembre !