Les 20 et 21 janvier, la Cour d’Appel de Paris a auditionné des organisations de Martinique et de Guadeloupe qui avaient porté plainte en 2006 pour empoisonnement au chlordécone. Mais pour les juges il s’agissait d’enterrer les poursuites judiciaires. Ils ont expliqué que la plainte déposée en 2006 était trop tardive, qu’il y avait prescription et que les preuves avaient de toute façon disparu du dossier.
Les organisations constituées parties civiles, leurs avocats, les travailleurs et les manifestants, une partie de la population ont été scandalisés par une telle annonce. En Martinique, le collectif « Lyannaj pou dépolyé Matinik » dénonçait vivement ce mauvais coup lors de sa manifestation du 23 janvier au Morne-Rouge. En Guadeloupe les ouvriers de la banane, qui ont fait grève le 21 janvier, ont prévu de mener d’autres actions. Des dirigeants politiques, Letchimy, Marie-Jeanne, Serva en Martinique et en Guadeloupe se sont sentis obligés de protester. L’hypocrisie ne les étouffant pas.
La récente fin de non-recevoir des juges n’est qu’un nouvel épisode dans ce scandale vieux de 50 ans mêlant les plus gros békés planteurs de banane aux dirigeants de l’État. Aujourd’hui, comme au temps des colonies, « ces derniers maîtres » qui ont leurs entrées à l’Elysée ont l’oreille des gouvernements pour préserver leur domination et leurs profits.
Depuis 1968, les demandes d’homologation du chlordécone en France étaient rejetées « à cause de sa forte toxicité ». Mais en 1972, sous la pression des gros békés, le pesticide appelé alors Képone est finalement homologué par Chirac, à l’époque ministre de l’agriculture. Les gros planteurs expliquaient que ce produit était nécessaire à l’élimination du charançon qui détruisait les plantations. Le Képone fut fabriqué aux États-Unis jusqu’à un accident industriel dans l’usine de production en 1975. Face aux graves symptômes observés chez les ouvriers de l’usine, les États-Unis interdirent le Képone en 1976. Mais en 1981, la ministre de l’agriculture Cresson autorise les gros békés Lagarrigue et Yves Hayot (frère aîné de Bernard) à commercialiser le chlordécone sous le nom de Curlone. Et en 1990, alors que le Curlone est à son tour interdit en France, le gouvernement accorde une dérogation de trois ans pour poursuivre son utilisation aux Antilles.
Par leur empoisonnement forcé dans les plantations, les ouvriers de la banane sont les premières victimes du chlordécone et de bien d’autres pesticides (Témik, Mocap, Paraquat, …) utilisés sans protection adéquate. On compte parmi eux de nombreux morts et des maladies graves. En février 1974 déjà, durant leur grande grève en Martinique, les ouvriers agricoles réclamaient entre autres l’arrêt de l’utilisation du Képone. Sous le feu des forces de répression ils subirent deux morts et des blessés.
Le scandale du chlordécone touche aussi l’ensemble de la population des Antilles avec un taux anormalement élevé de cancer de la prostate, de troubles chez les nouveaux-nés. De nombreux petits agriculteurs et marins pêcheurs sont privés d’emploi en raison de nombreuses zones interdites à la pêche et à l’agriculture.
Aux Antilles, tout comme en France et dans le monde entier, les capitalistes sont prêts, au nom du profit, à empoisonner les travailleurs et la population avec des produits toxiques (chlordécone, amiante, glyphosate…). Ce sont eux qui donnent leurs ordres aux dirigeants des États. Le chlordécone est un exemple de plus qui montre que les capitalistes, les gros békés et leurs valets gouvernementaux ne sont pas corrigibles. Il faut les renverser !