Des milliers de Cubains ont manifesté dans les rues, dans plusieurs dizaines de villes, le dimanche 11 juillet. Ils clamaient « nous avons faim », « la liberté », « à bas la dictature ». Cela ne s’est produit que rarement depuis 1959, date de la révolution cubaine menée par Fidel Castro.
La dernière manifestation contre le régime castriste remonte au 5 août 1994. De violentes émeutes avaient eu lieu à la Havane. L’île à l’époque avait perdu l’appui de l’Union soviétique, après la fin de l’URSS. La population subissait de dures restrictions économiques dues au blocus par les États-Unis.
La manifestation du 11 juillet a débuté dans la petite ville de San Antonio de Los Baños, les images diffusées sur les réseaux sociaux ont provoqué un déferlement populaire dans les rues. C’est la conséquence de la situation sociale et économique désastreuse. La population cubaine ne supporte plus les pénuries alimentaires, le manque de médicaments, les fréquentes coupures d’électricité, les queues interminables dans les magasins d’alimentation presque vides. La pandémie du coronavirus n’a pas épargné les habitants. Depuis plusieurs semaines, plus de 1 000 personnes par jour sont infectées. Les Cubains ont exprimé leur colère envers le président Miguel Diaz-Canel et son gouvernement. Les manifestations ont été réprimées et le président cubain a appelé ceux qui soutiennent le régime à organiser une contre-manifestation.
Il faut rechercher les causes profondes de cette situation au-delà de la politique menée par le gouvernement pro-castriste. Depuis six décennies, l’impérialisme américain a mis en place tous les moyens pour affaiblir Cuba politiquement et économiquement. Les États-Unis veulent faire payer au peuple cubain son soutien au régime castriste. Ce régime a su tenir tête aux États-Unis. Fidel Castro et ses compagnons ont réussi à renverser le pouvoir du dictateur Batista, soutenu par les États-Unis. Une fois au pouvoir, en 1959, Castro a instauré un système de santé et d’éducation gratuit. Il a réduit considérablement l’analphabétisme. Le gouvernement nord-américain a fixé l’objectif de « provoquer la faim, le désespoir et le renversement du gouvernement ». Le président des USA Eisenhower avait dit : « s’ils (le peuple cubain) ont faim, ils jetteront Castro dehors ». Le gouvernement américain a mené des actions de bombardements, de sabotages, dans l’espoir de renverser Castro avec l’aide d’exilés cubains anti-castristes et de la CIA. L’embargo, instauré en 1962, a été renforcé sous la présidence de Donald Trump. Par l’embargo, le gouvernement nord-américain interdit ses exportations vers Cuba et celles des pays qui commercent avec les États-Unis. Trump a signé plus de 200 directives visant à affaiblir l’économie cubaine. Il a restreint les envois de fonds (à un seul membre de la famille avec un maximum de 1 000 dollars par trimestre) avant de les interdire. L’élection de Joe Biden n’a rien changé. Le blocus a rendu plus difficile la gestion de la pandémie, Cuba ne reçoit plus d’aide médicale ni les transferts d’argent de sociétés et d’organisations humanitaires étrangères. Cela a provoqué une pénurie d’équipements médicaux. Cependant la colère des manifestants a quand même eu un résultat positif puisque le gouvernement a supprimé les taxes sur les produits emmenés par les Cubains de retour chez eux et en visite, par exemple. La limite de l’échelle salariale pour les entreprises d’État, selon le principe de « gagner plus si on produit plus de richesse et si on est plus efficace » a été suspendue. Les habitants pourront aussi provisoirement s’installer dans une autre ville et bénéficier de la libreta, le carnet d’approvisionnement, alors que c’était impossible auparavant.
Ces mesures suffiront-elles à calmer le mécontentement ? Pas sûr. Mais c’est par leur mobilisation que les manifestants les ont arrachées. Leur lutte a payé même si le principal responsable de leurs malheurs demeure l’impérialisme américain et son blocus criminel.