Durant ces années d’après-guerre la France manque de sucre. Les usines des Antilles et de La Réunion ont augmenté leur production de sucre et les exportations vers la France. En Guadeloupe, la production est passée de 45 000 tonnes en 1946 à 96 000 tonnes en 1952.
Les profits des capitalistes explosent grâce à l’inflation tandis que les salaires des ouvriers restent misérables. Les prix flambent. De 1947 à 1952, ils ont connu une hausse d’environ 500 % notamment à cause de la pénurie de certains produits.
À l’époque le Parti communiste (PC), était une force politique importante pour les travailleurs. Il n’était pas encore autonome, mais une fédération départementale du Parti communiste français (PCF) stalinien et contre révolutionnaire suivant la ligne définie par Moscou, comme tous les PC de l’époque dans le monde. Il ne pouvait cependant se soustraire à la volonté de lutte des travailleurs. Ces derniers ont donc trouvé à leurs côtés les militants du Parti communiste. Beaucoup de travailleurs se disaient communistes. Aux législatives de 1951, le PC a obtenu 44 % des suffrages, malgré les fraudes électorales. Le maire communiste du Moule, Rosan Girard, était l’ennemi à abattre pour l’État colonial français et la bourgeoisie. Les représentants de l’État avaient pour mission de réduire l’influence du PC, en usant de tous les moyens. Le PC a joué un rôle important dans l’organisation et la direction des luttes ouvrières.
À la mi-janvier 1952, les négociations pour fixer les salaires se passent mal. Les propositions des usiniers sont insuffisantes. Le 26 janvier tous les syndicats lancent 100 francs de l’heure et annoncent une grève générale en cas de refus à partir du 29 janvier. Le 2 février, la grève commence à s’étendre aux usines de Darboussier et de Blanchet à Morne à l’eau. Le 10 février les salariés de Sainte-Marthe, (St François) de Grosse-Montagne (Lamentin) et de Beauport (Port Louis) se mettent aussi en grève.
Au Moule, le patron de l’usine Gardel, Amédée Aubéry, un riche béké, demande l’intervention des CRS pour assurer le bon fonctionnement de l’usine. Dans le bourg, les trois jours précédant le massacre, du 11 au 13 février, les CRS ont envahi la ville, cherchant à terroriser la population, en multipliant les contrôles, brutalisant les habitants. La population vit cela comme une provocation. Le 14 février, des camions de CRS sont envoyés à l’usine Gardel et dans le bourg. Le matin très tôt les gendarmes arrêtent sans raison un jeune garçon nommé Abouna, il sera relâché deux à trois heures après. Entre 9h00 et 9h30, deux barrages sont érigés par les travailleurs à la sortie du bourg pour bloquer l’accès à Gardel. Les CRS font feu sur la foule sur le boulevard Rougé. Ils tirent sur tout ce qui bouge. Constance Dulac, mère de six enfants, enceinte, Justinien Capitolin, Édouard Dernon, François Serdot sont morts sous les balles coloniales.
Par leur lutte les ouvriers ont obtenu une augmentation de salaire de 88 francs de l’heure. Le massacre du 14 février 1952 s’ajoute à la liste des nombreuses luttes ouvrières du 20ème siècle qui ont été réprimées dans le sang.