Depuis plus de deux ans, les gangs armés imposent leur dictature à la population. Mi-avril, la population de Canapé Vert stoppait quatorze bandits armés et les passait par les armes.
Cette réaction de défense et de colère des habitants a été reprise dans plusieurs autres quartiers sous le nom de l’opération Bwa Kalé : « à l’assaut des bandits armés et de leurs commanditaires ».
Dans les communes de la périphérie de Port-au-Prince, dans des villes de province, des groupes se sont organisés pour traquer les membres de gangs, ceux qui étaient capturés étaient exécutés subissant la justice populaire. En très peu de temps, ce que le gouvernement et le haut État-Major de la Police nationale n’avaient pu faire, les masses populaires le réalisaient par leur courage. La peur changeait de camp.
En ce mois de juillet grâce à l’irruption de la population avec l’opération Bwa Kalé, les cas de kidnappings ont régressé de près de 80 %. Plus de 260 bandits ont été lynchés ou tués, ce qui a conduit à un calme apparent dans l’aire métropolitaine où sévissent les principaux gangs.
Cette expression de la colère des masses populaires, Bwa kalé, a été rejetée aussitôt par la petite bourgeoisie, les politiciens, les classes riches. Ces derniers craignent de voir ces masses déferler contre les gangs armés et leurs complices politiciens qui pillent les caisses de l’État. Ils craignent la reprise du Bwa kalé par la classe ouvrière contre les patrons exploiteurs. Car la bourgeoisie sait qu’au-delà des gangs, c’est elle qui est visée par la révolte populaire. Elle préfère que ce soit les gangs qui mettent la population au pas plutôt que les travailleurs et la population se chargent eux-mêmes de régler le compte des gangs.
Alors, le gouvernement d’Ariel Henry, le Premier ministre, remet en selle la police, affirmant que c’est elle, aux côtés des masses, qui peut venir à bout des bandits. Le chef de l’ONU Antonio Guterres, lors de sa visite en Haïti le 1er juillet, appelle la communauté internationale à envoyer des forces armées sur place pour appuyer la police. La perspective des politiciens est d’arriver à réaliser des élections pour remettre en place les cadres d’un État défaillant. Parallèlement, des enlèvements recommencent et les chefs de gangs préparent de nouvelles alliances.
Dans les quartiers, dans les tap-taps, dans les marchés, face au mouvement qui s’essouffle, les masses populaires ont à se préparer, se concerter, relancer le Bwa Kalé pour continuer de résister aux gangs. Il n’y a aucune confiance à accorder aux institutions de la bourgeoisie, qui sont les alliés des gangs criminels. Rien ne changera en Haïti jusqu’à ce que les travailleurs forgent leur propre force politique pour le pouvoir.