Il paraît bien loin le temps où Jean-Marie Le Pen, principal représentant de l’extrême-droite française à l’époque , ne pouvait pas débarquer en Martinique et en Guadeloupe à cause des manifestations contre sa venue.
Le Front national dépassait à peine les 1% de voix aux Antilles malgré un certain succès électoral dans l’Hexagone. Pourtant aujourd’hui, des candidats du Rassemblement national (RN) parviennent à se hisser au second tour des législatives en Guadeloupe et en Martinique, même lorsqu’ils sont d’illustres inconnus.
Il est vrai que ce qui touchait directement la population en Martinique et en Guadeloupe, étaient les propos racistes tenus par Jean-Marie Le Pen. Et dans un pays multiethnique à majorité noire, issu de trois siècles d’esclavage et de colonialisme, le Front national d’alors ne passait pas. Mais Marine Le Pen a opéré un changement en respectabilité en excluant son père du FN, en obligeant ses dirigeants à se défaire de tout propos raciste. Bref la dédiabolisation a marché, même si ce parti est encore truffé de nazillons, de suprématistes blancs, de racistes avérés. Beaucoup d’entre eux, ces derniers jours, pensant déjà qu’ils avaient le pouvoir se sont lâchés en propos racistes.
L’ascension de l’extrême-droite en France et dans le reste de l’Europe voire du monde est un phénomène social. Elle est la conséquence d’un système économique en crise.
Un système capitaliste en crise
La bourgeoisie mène une guerre de classe, une guerre sociale contre la classe ouvrière et les classes populaires.
Parce que leur système est en crise et qu’ils veulent continuer à faire du profit, les capitalistes font tout pour ponctionner de l’argent aux travailleurs et aux plus pauvres. Les prix augmentent, les salaires sont bloqués. L’exploitation s’aggrave et les conditions de travail deviennent de plus en plus inhumaines.
À cause du chômage et de la précarité, une bonne partie de la jeunesse est désœuvrée et tombe dans la délinquance et les trafics en tout genre. Les services publics sont quasiment à l’abandon. Cette aggravation de la situation crée un mécontentement au sein des classes populaires.
Des boucs émissaires
Pour beaucoup de travailleurs et de déclassés, les étrangers seraient responsables de la situation. Ce sont des boucs-émissaires idéaux. Parfois, cela tourne au fantasme : il y a plein de mensonges qui circulent sur les immigrés et leurs prétendus « aides » et privilèges. Ce sont des peurs irrationnelles qui s’expriment.
Il est plus facile de s’en prendre aux plus pauvres, aux plus exploités, aux Haïtiens, aux Dominiquais, aux Saint-Luciens plutôt que de s’en prendre aux riches, aux puissants, aux Békés qui nous maintiennent dans cette situation.
Par populisme, le RN fait de l’immigration sa cible. Il a donc l’attention de beaucoup de gens. Le RN n’a pas inventé le racisme et la xénophobie. Ils existaient déjà parmi les classes populaires, mêmes noires et indiennes.
Ceux qui parmi les travailleurs et les classes populaires adoptent ce raisonnement se tirent une balle dans le pied. Ils contribuent à diviser les travailleurs selon leur origine dans un moment où la classe ouvrière devrait être unie face à une bourgeoisie à l’attaque.
La responsabilité des politiciens de droite comme de gauche
Lorsqu’ils sont aux affaires, tous ces politiciens (de la droite à la gauche) défendent l’ordre établi, ce sont des serviteurs de la bourgeoisie. Ils sont incapables de contraindre les capitalistes à quoi que ce soit. Ils ne cessent d’attaquer les travailleurs par des lois de plus en plus scélérates.
Les partis de gauche, censés représenter les travailleurs, ont déboussolé et démoralisé bien des travailleurs. Lorsqu’ils ont été au pouvoir, les partis de gauche (le Parti socialiste flanqué du Parti communiste) ont mené une politique contre les travailleurs. L’accession de Mitterrand au pouvoir en 1981 et celle de François Hollande en 2012, avait soulevé beaucoup d’espoir parmi les classes populaires. Espoirs bien vite déçus lorsque le gouvernement bloqua les salaires en 1982 et qu’Hollande commença à casser le Code du travail. Une politique pro-patronale bien de droite !
L’illusion du changement
Le RN donne l’impression de s’adresser à tous ceux qui souffrent de la situation actuelle et sont en colère. Ces derniers veulent du changement et le RN prétend incarner ce changement. Le fait qu’il n’est pas encore été au pouvoir contribue à nourrir ce mythe du RN sauveur suprême.
Le RN n’a pas eu le succès qu’il espérait à ces législatives, mais il sort renforcé en termes de voix et creuse son sillon au sein de la population, même aux Antilles, parce qu’il dit ce que les gens veulent entendre.
Il n’y aura pas de changement sans mobilisation massive et consciente des travailleurs ! Les travailleurs font tourner toute la société. S’ils veulent en finir avec ce système capitaliste, ils devront construire des partis regroupant des travailleurs de toutes origines autour de la conscience que le monde du travail reste la seule force révolutionnaire.