CO N°1333 (14 septembre 2024) – Venezuela – Le chavisme n’est pas la voie de l’émancipation des classes pauvres, ni son opposition actuelle

Edmundo Gonzales Urrutia, candidat de la droite aux présidentielles du 28 juillet au Venezuela, s’est réfugié en Espagne le 8 septembre 2024. Il revendique la victoire aux élections présidentielles face au candidat et président Nicolas Maduro du parti populaire chaviste, élu officiellement avec 51,20 % des voix. Les procès-verbaux des bureaux de vote pouvant prouver les résultats n’ont toujours pas été publiés par le camp de Maduro.

Maduro a réprimé durement les protestations de l’opposition. Dans les grandes manifestations contre lui, à l’annonce des résultats, 27 personnes ont été tuées et 2400 personnes ont été arrêtées.

Nicolas Maduro est le successeur de Hugo Chavez, décédé en 2013. Il poursuit la politique de Chavez sur fond de crise aggravée dans le pays. Son régime a souvent été qualifié de « socialiste » par la gauche admirative de sa politique en faveur des classes populaires.

Les chavistes ont voulu tenter un compromis entre les intérêts des capitalistes et les besoins de la population. Dans ces cas là c’est quand même la bourgeoisie qui en profite. C’est finalement la crise du système capitalisme qui décide du sort du pays.

L’ascension d’Hugo Chavez

Hugo Chavez (1954-2013) était un officier militaire dans sa jeunesse. Inspiré des idées socialistes et admirateur de Bolivar il avait créé un mouvement, le MBR-200 (Mouvement révolutionnaire bolivarien 200), au sein de l’armée, et tenta un coup d’État, manqué, le 4 février 1992 contre le président Carlos Andres Peres.

La crise pétrolière de 1983 avait déstabilisé le Venezuela politiquement. En 1989, le gouvernement dirigé par Carlos Andre Peres augmenta fortement les prix, la population qui avait faim prit la rue. Cinq jours d’émeutes eurent lieu et des milliers de personnes furent tuées par les autorités. C’est cette crise politique et sociale qui ouvrit la voie à Chavez.

Après sa tentative de putsch, Chavez se reconvertit dans la voie électorale. Fort du soutien populaire, il est élu en 1998 avec 56 % des voix face à un candidat unique représentant les partis traditionnels.

Pétrole, programmes sociaux et bourgeoisie nationale

Le Venezuela est l’un des plus gros producteurs mondiaux de pétrole. Toute l’économie est centrée sur les rentes pétrolières. L’industrie du pétrole fut nationalisée bien avant Chavez au pouvoir, en 1975. Cette nationalisation profita à la bourgeoisie nationale, tout en laissant les multinationales étrangères poursuivre leur exploitation.

En 1998 la production dépassait les 3 millions de barils par jours. Hugo Chavez au pouvoir augmenta alors l’impôt de ces compagnies étrangères sur l’exploitation du pétrole. Deux multinationales se retirèrent de l’exploitation mais aucune expropriation ne fut envisagée par Chavez.

Chavez bénéficia, durant ses années au pouvoir, de l’augmentation du prix du pétrole : cela lui permit de financer notamment des programmes sociaux qui se sont pour certains traduits par des progrès réels.

Dans son programme social appelé « plan Bolivar 2000 » l’armée fut mobilisée sur la santé, les transports publics et le logement. Il lança des « missions » spécialisées dans des domaines comme l’alimentation, la santé, le logement… Il bénéficia de l’aide de Cuba qui envoya des personnels spécialisés en échange de pétrole. Un plan d’alphabétisation permit à plus d’un million d’adultes d’apprendre à lire et à écrire. Des soins gratuits, les campagnes massives de vaccination permirent de faire reculer la mortalité infantile.

Pour une partie de la bourgeoisie nationale, l’argent utilisé en faveur des classes populaires était un manque à gagner. Elle organisa rapidement une opposition et des tentatives de coup d’État. L’opposition a reçu et reçoit toujours le soutien de l’impérialisme américain pour qui Chavez, se souciant trop du sort de sa population et échappant à son contrôle, est un ennemi au même titre que Castro.

Après la crise de 2008…

Les programmes sociaux ne suffirent pas pour résoudre les problèmes posés par le sous-développement au Venezuela. La dépendance était totale vis-à-vis des revenus pétroliers. Toute variation du prix international du pétrole risquait d’entraîner immédiatement des répercussions sur l’économie vénézuélienne. C’est ce qui arriva quand débuta la crise mondiale de 2008.

Alors que la situation économique se dégradait, Chavez fit payer la crise aux classes populaires mais il employa de gros moyens pour sauver les capitalistes. Plusieurs milliards furent injectés pour sauver les banques, les zones minières et pétrolières furent de plus en plus ouvertes aux capitaux étrangers avec des avantages généreux. Les travailleurs subirent cependant la dévaluation de la monnaie, l’augmentation des taxes, le blocage des salaires, les coupes budgétaires dans la santé et l’éducation…

Maduro poursuit ce programme d’austérité. Entre 2015 et 2018 l’inflation explose, il y a une pénurie de produits alimentaires et de médicaments. Des millions de personnes se retrouvent mal nourries, la mortalité infantile augmente de 30 %. En 2019, 4,5 millions de Vénézuéliens ont déjà fui le pays.

En 2015 le parti chaviste est mis en minorité à l’Assemblée nationale. Les manifestations se multiplient et le gouvernement chaviste réprime la contestation. La droite en profite pour s’appuyer sur le mécontentement du peuple. Les États-Unis profitent de l’instabilité aussi. Dénonçant l’autoritarisme du régime, ils mettent en place une forme d’embargo, aggravant encore plus le sort des classes pauvres.

En perte de popularité jusqu’à aujourd’hui, le parti chaviste de Maduro s’agrippe au pouvoir, misant sur l’armée, la répression et possiblement la fraude électorale.

Loin du socialisme

Le chavisme s’inscrit dans la tradition nationaliste, après Castro, provoquant la haine de l’impérialisme américain. Il a un temps utilisé les rentes pétrolières en faveur de la population pauvre mais sa politique n’a jamais remis en cause le pouvoir capitaliste sur l’économie. Ce régime s’est condamné lui-même. La bourgeoisie ne lui pardonne pas sa politique sociale même si la politique anti-ouvrière de Chavez est bien restée constante. Il n’a jamais voulu donner les moyens aux travailleurs de s’organiser et de défendre leurs propres intérêts. Pour se sortir du sous-développement la classe ouvrière vénézuélienne, comme partout, n’a pas d’autres choix que d’arracher durablement les moyens de production aux capitalistes, les réorganiser et les développer pour répondre aux besoins de tous, et elle aura besoin du pouvoir politique.