Selon le gouvernement, c’est l’assaut des policiers le 8 novembre qui a permis de libérer le terminal pétrolier de l’emprise du gang de Chérizier. Cette interprétation ne trompe personne et Chérizier s’est vanté sur les réseaux d’avoir offert le carburant au gouvernement pour le bien de la population. Cette population des quartiers qu’il terrorise, kidnappe, rançonne ou assassine n’a rien à attendre des chefs de gang en lutte pour le pouvoir. Un groupe armé a tué 17 personnes en installant sa base dans un marché il y a 15 jours.
À Port-au-Prince et sa banlieue, l’essence est donc de nouveau vendue dans les stations-service depuis le 12 novembre. La reprise de la vente du carburant a été saluée par les chauffeurs. Ils attendaient une baisse du prix du gallon (4,5 litres) qui se négociait sur le marché parallèle au-delà de quarante euros. Le gouvernement a fixé le prix du gallon à quatre euros revenant au prix de septembre qui avait déclenché les manifestations populaires. Pendant la pénurie les distributeurs des produits pétroliers, les trafiquants de carburant ont réalisé de juteux profits.
La population des quartiers, après avoir subi des transports publics inabordables, espère une baisse des coûts des trajets, mais c’est au bon vouloir des chauffeurs qui ont doublé les tarifs.
Les gangs encerclent la capitale et ses environs, ils contrôlent les axes routiers, la circulation des armes, les trafics de drogue, le trafic d’argent. Ils sont couverts par des politiciens de gouvernements anciens ou actuels auxquels ils servent d’hommes de main.
Pour les pauvres des quartiers, il n’y a pas d’accès à l’eau potable, ils boivent de l’eau de citerne, une eau douteuse. L’absence d’eau empêche d’assurer une hygiène de base et favorise la progression du choléra qui est reparti depuis le 3 octobre. L’hôpital n’est pas équipé pour affronter une vague montante de choléra.
Pour l’électricité, chacun se débrouille en tirant un câble depuis une ligne. Dans cette manœuvre chaque jour des hommes meurent électrocutés ou brûlés, surpris par les rares arrivées du courant.
Lors des accalmies, chacun se bat pour survivre. Les marchandes sortent leurs produits, les vendeuses leurs repas cuits après avoir payé la dîme au racketteur. Les ouvriers des usines de textile cherchent les circuits les moins dangereux pour arriver à la zone industrielle. Les patrons embauchent et débauchent à leur guise. Ainsi dans la zone franche du Nord-Ouest un patron a licencié 4 000 ouvriers et fermé l’usine. Mais dans une entreprise du parc industriel les ouvriers ont débrayé pendant deux jours et obtenu que le patron paye les salaires des jours où ils sont renvoyés chez eux.
Dans quelques localités de province la population réagit, comme dans une section communale de Port-de-Paix, où les gens ont lynché le chef de gang ainsi que ses sept soldats capturés par les habitants en colère. Ailleurs ils ont chassé les bandits avant qu’ils n’installent leur base. Ces réactions de défense montrent la voie à la population des quartiers de la capitale
Oui, ces quelques réactions, même isolées, dans des entreprises ou dans des provinces offrent un début de perspective à la lutte des travailleurs et de la population contre les patrons exploiteurs et les gangs.
Ces réactions, ces combats défensifs pour l’instant isolés tracent la voie à prendre pour en arriver à la lutte collective face aux gangs ou aux patrons dans les entreprises. Les travailleurs organisés représentent la force capable de renverser la dictature des capitalistes et de leurs valets armés.