Nous publions ci-dessous des extraits d’un article du journal trotskyste américain The Spark du 30 octobre 2023.
Quand les dirigeants de l’UAW gèrent la grève
Le 26 octobre, les dirigeants de l’UAW (Union of Automobile Workers) ont annoncé un accord contractuel provisoire avec Ford et ont dit aux grévistes de retourner au travail, avant même que les travailleurs puissent voter sur le contrat. Le syndicat de l’automobile avait appelé à une grève partielle des « Trois grands » constructeurs automobiles, et Ford a été le premier à négocier. Un accord avec Stellantis a rapidement suivi et un avec General Motors est attendu peu de temps après.
Les dirigeants de l’UAW ont conclu un premier accord de principe avec Ford, et l’ont qualifié de « contrat record ». Mais les travailleurs de l’automobile n’ont même pas récupéré ce qu’ils ont perdu face à l’inflation depuis 2007. Il faudrait une augmentation immédiate d’environ 30 % pour cela. Or ils n’ont obtenu que 11 % à l’avance. Même avec ces 11 %, les salaires des travailleurs de l’automobile seront toujours inférieurs à ce qu’ils étaient en 2019 (ajustés à l’inflation). Et le total supplémentaire de 14 %, plus une allocation de subsistance (COLA), sur le reste du contrat de cinq ans (pas de quatre ans), peut suffire à le maintenir égal, mais il ne rattrapera jamais ce qu’ils ont perdu.
Les leaders de l’UAW disent vouloir se débarrasser des grades, ils ne l’ont pas obtenu : les ouvriers peu gradés vont obtenir des hausses de salaire et une paie complète plus rapidement, mais ce contrat maintient les grades, en particulier lorsqu’il s’agira des avantages pour la retraite.
Les nouveaux leaders de l’UAW gèrent cette grève comme les anciens l’ont fait en 2019, du début à la fin ! Ils ne proposent jamais rien qui permette aux travailleurs d’organiser leur grève eux-mêmes. Ils se contentent de dire aux grévistes où et quand tenir le piquet quelques heures par semaine.
Pas d’assemblées générales où les grévistes pourraient débattre pour prendre leurs propres décisions : quels sont les points les plus importants pour lesquels nous voulons nous battre ? Dans un contrat, où fixons nous la limite de ce que nous pouvons accepter ? Allons-nous empêcher les camions de traverser le piquet de grève ? Allons-nous mettre en grève chaque usine de toutes les trois compagnies ? De nombreux travailleurs de l’automobile pensent qu’une telle grève des Trois Grands aurait suscité une force avec laquelle il faudrait compter. Nous savons que, dans le passé, des grèves dans l’automobile ont entraîné d’autres travailleurs et permis des grèves étendues à toute la classe ouvrière.
Nous savons qu’aujourd’hui dans beaucoup d’autres industries les travailleurs sont impatients d’une possible grève de l’automobile étendue à d’autres secteurs. Les patrons, eux, gérés par les financiers de Wall Street, luttent ensemble, comme une classe. Ce serait le moment de les affronter, ils sont en crise ! Ou du moins ce serait l’occasion de se préparer à des luttes futures.
Même si ce contrat de Ford apporte quelques améliorations de salaire, les cadences infernales, les plannings qui diminuent l’espérance de vie, le réel manque de sécurité au travail, les concessions, tout cela reste.
Cette grève aussi limitée qu’elle fut, témoigne quand même de la volonté des travailleurs de défier le système.