Le samedi 27 février, plus de 5000 personnes ont répondu à l’appel lancé par plusieurs dizaines d’organisations politiques, dont Combat Ouvrier, d’organisations syndicales à savoir la CGTM, la CDMT, la CSTM, FO, la FSU, l’UNSA, l’UGTM ou l’USAM, mais aussi de nombreuses associations.
L’annonce par des juges instructeurs parisiens, d’un risque de non-lieu pour prescription suite aux plaintes déposées il y a 14 et 15 ans par des associations de Guadeloupe et de Martinique, pour mise en danger de la vie d’autrui par le chlordécone, a révolté des milliers de personnes. C’est à la suite de cette annonce provocatrice qu’organisations et associations ont décidé d’appeler à cette journée de mobilisation et de protestation.
Le 27 février dès 8h du matin, des centaines de personnes ont afflué devant la maison des syndicats. Un peu plus tard ils étaient plusieurs milliers. Tous, ouvriers agricoles, chômeurs, travailleurs de différents secteurs d’activité, femmes au foyer, retraités, jeunes, étudiants étaient venus crier haut et fort leur indignation, leur colère. Ils criaient leur refus de l’impunité pour les désastres et les crimes commis par les capitalistes békés de la banane et autres alliés, avec le soutien de l’État, avec l’utilisation du chlordécone. Ils étaient nombreux aussi à exiger l’arrêt de l’utilisation de cocktails de pesticides dans les habitations.
De nombreux manifestants arboraient les couleurs « rouge vert noir » montrant ainsi leur défiance vis-à-vis des autorités coloniales. Des drapeaux indépendantistes « rouge, vert, noir » parsemaient la manifestation. Certaines personnalités politiques du PPM, du RDM ou de Peyi-a défilaient avec leur parti.
Les mots d’ordre repris à tue-tête donnaient bien le ton de la manifestation : « Non à l’impunité , Non au non-lieu, Non au cocktail de pesticides ; Fok jigé, kondamné lé zanpwazonê kapitaliss : Travayê ka réponn. Quant aux jeunes, ils défilaient au son des tambours de groupes de carnaval s’adressant ainsi au préfet : « Matinik, nou la, di préfè a sa » ou encore « Di préfè a tou, alé planté bannan ».
Sur le bord de la route, tout le long de la manifestation, des centaines de personnes restaient amassées, manifestant leur solidarité avec les manifestants et approuvant les mots d’ordre lancés en applaudissant.
La manifestation s’est terminée sur la place de la Savane, où un podium avait été installé par la municipalité de Fort-de-France. Après plus de deux heures de manifestation, la grande partie des participants s’est retrouvée devant le podium pour écouter des explications données par Me Constant, avocat, par des médecins, mais aussi le témoignage de la mère de Kéziah Nuissier, ce jeune activiste matraqué par des gendarmes blancs proférant des insultes racistes, lors d’une manifestation anti-chlordécone le 16 juillet dernier. La manifestation s’est terminée par une déclaration commune des organisations. A plusieurs reprises, l’oratrice a été applaudie par les manifestants en colère, en particulier lorsqu’elle a dit : « Il y a trop de responsables pour qu’il n’y ait pas de coupables ! Et nous toutes et tous nous les connaissons. Ce sont les capitalistes de la banane et l’État et des politiques complices. »
À la fin de la manifestation, rendez-vous a été fixé au lundi 1er mars à 18 heures aux manifestants et à la population, pour les écouter et décider de la suite à donner à cette grande mobilisation.
Tout moun a bô
L’énormité de l’annonce des juges sur l’éventualité d’une prescription de l’affaire chlordécone, le sentiment de colère qui s’était emparé des victimes et qui ne cessait de grandir ont fait réagir plus d’un. Certaines organisations, jusqu’ici plutôt discrètes sur la question des responsables de l’empoisonnement de la population par le chlordécone, ont manifesté leur désaccord sur un éventuel non-lieu. Citons le CESECEM (Le Conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l’éducation de Martinique) par la voix de son président Patrick Lecurieux-Durival, ancien président du Medef, l’UGPBAN, association qui fédère les producteurs de bananes de Martinique et de Guadeloupe, mais également le diocèse de Martinique. Mieux vaut tard que jamais.
La prière de consolation
Une prière à propos du chlordécone a été élaborée par le chef de l’église en Martinique, l’archevêque David Macaire. Elle a été lue dans son intégralité sur la radio publique. Ainsi, entre la religion, opium du peuple, et le chlordécone, poison du peuple, on est servi. Ce sont bien sûr les mauvaises langues qui le disent.