Il y a 150 ans les ouvriers ont pour la première fois dans le monde, pris le pouvoir politique. Ils ont voté de nouvelles lois, afin de faire cesser les immenses abus des exploiteurs. C’est « la Commune de Paris » qui a duré 72 jours. Leur lutte est riche d’enseignements pour le mouvement ouvrier. Nous présentons ici la contribution déterminante des femmes.
Le contexte
Mars 1871, Napoléon III au pouvoir vient de perdre la guerre contre la Prusse (qui deviendra l’Allemagne). Il est fait prisonnier le 2 septembre à Sedan. Le petit peuple a beaucoup souffert de cette guerre, c’était la famine à Paris. Il n’accepte pas la défaite, les ouvriers et artisans qui avaient rejoint la guerre pour défendre Paris décident de garder les canons. Le 18 mars les femmes des quartiers ouvriers de Paris interviennent. Elles vont dans la rue haranguer les soldats de l’empire qui veulent reprendre les canons. Finalement les soldats refusent d’obéir à l’ordre de tirer, en disant « crosses en l’air » : ils fraternisent avec la population. Les bourgeois effrayés quittent Paris pour Versailles. C’est l’insurrection révolutionnaire de la Commune de Paris : le premier gouvernement du peuple, des travailleurs est constitué.
Il existe des organisations ouvrières comme la première Internationale avec Marx et le programme communiste, les blanquistes, avec Blanqui, partisans des coups de force, de plusieurs coups d’État, les anarchistes, les proudhoniens (adeptes de Proudhon). Elles sont minoritaires.
Ce sont les travailleurs et la population eux-mêmes qui s’organisent. Karl Marx et Friedrich Engels, les dirigeants politiques de la première internationale les plus compétents, savaient que la révolution était prématurée. Ils l’ont dit. Mais quand elle éclata ils la soutinrent à fond. Par la suite ils en ont tiré l’enseignement de la nécessité impérieuse d’un parti ouvrier comme guide. Ils ont aussi déclaré que les communards avaient commis l’erreur de ne pas s’emparer de la Banque de France, permettant aux Versaillais de reconstituer une force militaire, d’avoir aussi laissé la bourgeoisie se reconstituer à Versailles sans intervenir. Mais ils ont souligné l’extrême importance de l’exemple de la commune, de l’existence d’un pouvoir ouvrier pour l’avenir du prolétariat mondial. Les travailleurs russes et le parti bolchévik sauront s’en pénétrer en 1917 pour ériger pendant 6 ans un nouvel état ouvrier.
Les femmes sont les plus exploitées
Les femmes travaillent surtout dans l’habillement, couturières, brodeuses, assembleuses de pièces de bottines. Elles travaillent dans des ateliers mal éclairés, poussiéreux, sont payées deux fois moins que les hommes. Elles souffrent du manque de considération, des mauvais traitements des chefs. Elles font la deuxième journée de travail, gratuite, avec les enfants et le ménage. C’est, dit une d’entre elles qui témoigne : « la misère noire ou la prostitution ».
Des femmes de 14 à 71 ans, souvent originaires de la campagne ou de Belgique, Pologne, Russie, vont apporter leur contribution à la lutte. Elles iront face aux soldats manifester, feront des barricades dans les rues de Paris.
Elles contribueront, pour s’opposer à l’exploitation des plus pauvres, à l’organisation du pouvoir ouvrier. Leur action a eu une importance décisive.
Les réalisations des femmes de la révolution de 1871
Le 11 avril deux militantes créent la première association de femmes de l’histoire « l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés ». Elles annoncent par affiches que « la lutte pour la défense de la Commune, c’est la lutte pour le droit des femmes ». Des femmes vont à l’Union s’enrôler pour la défense de Paris contre les « Versaillais ».
Des réunions de femmes sont organisées dans tous les quartiers. On y fait des déclarations comme : « Les ateliers dans lesquels on nous entasse nous appartiendront ». Ou encore : « Nos ennemis, ce sont les privilégiés de l’ordre social actuel, tous ceux qui ont vécu de nos sueurs, qui toujours se sont engraissés de nos misères. », ou « Nous voulons le travail pour en garder le produit. Plus d’exploiteurs, plus de maitres. » L’Union des femmes écrit aussi : « toute inégalité et tout antagonisme entre les sexes constituent une des bases du pouvoir des classes gouvernantes ».
Les ouvrières combattantes sont à l’origine des lois de la Commune pour :
– Le droit au travail pour elles et l’égalité des salaires.
– L’école laïque gratuite pour les filles et les garçons.
– La pleine participation des femmes aux combats de la Commune, y compris dans la Garde nationale : le club de la rue d’Arras recueillera 300 inscriptions pour « les légions des femmes ».
– des pensions pour les veuves de fédérés tués au combat qu’elles soient mariées ou non mais également pour les enfants légitimes ou naturels. C’est déjà la défense de l’union libre.
Elles luttent pour des écoles et des hôpitaux publics indépendants des églises. Elles mettent en place des écoles professionnelles pour les filles. Elles se battent pour la création de crèches populaires. Elles dénoncent la prostitution.
Les femmes de la Commune iront jusqu’au bout, elles paieront un lourd tribut lors de la répression sanglante par la bourgeoisie et ses troupes de Versailles. Mais leur investissement, les idées qu’elles ont défendues se retrouveront dans des luttes futures et déjà lors de la Révolution russe de 1917.
Des femmes de « la Commune »
Elles étaient des milliers dans cette lutte. Parmi elles Louise Michel, militante infatigable, qui participa à la première internationale, est une des mieux connues. Elle sera déportée en Nouvelle Calédonie où elle soutiendra le soulèvement des Kanaks contre le colonialisme. On peut citer André Léo, Victorine Eudes, Marguerite Tinayre…
Les deux principales dirigeantes de l’Union sont Nathalie Le Mel et Élisabeth Dmitrieff. Il y a aussi Marceline Leloup, Aline Jacquier, Thérèse Collin, Aglaé Jarry et Blanche Lefevre.
Nathalie Le Mel était ouvrière relieuse. Elle participa en 1864 avec Eugène Varlin au syndicat des relieurs et obtint, pour cette profession, l’égalité de salaire entre hommes et femmes. En 1865, cet acquis sera remis en cause. Elle gère avec Eugène Varlin le restaurant « La Marmite ». Quand vient le siège de Paris, Nathalie réussit le tour de force de nourrir régulièrement des centaines d’ouvriers au chômage.
Élisabeth Dmitrieff était d’origine russe. Marx lui demanda d’être correspondante sur les événements de la Commune de Paris. Il sera dit à son propos : De grande naissance (c’est-à-dire aristocratique) et cependant « tout peuple de geste et de cœur », elle s’occupait surtout des questions politiques et se démena particulièrement pour la mise en place et l’organisation d’ateliers coopératifs.