CO N°1290 (30 juillet 2022) – Haïti – Les gangs à la conquête de l’État dans la capitale

Depuis des mois la population la plus pauvre est terrorisée par les gangs dans les quartiers populaires. Après des kidnappings, des tueries, des vols, des viols et autres atrocités, voilà que les gangs, devant une population apeurée, s’imposent en tant que pouvoir d’État.

Il y a eu le coup d’éclat du chef du gang le plus connu qui s’était imposé comme le seul à pouvoir déposer la gerbe du souvenir sur la stèle du héros de l’indépendance, Dessalines, le 17 octobre 2021. Depuis le 10 juin, des gangs occupent le Palais de Justice où ils ont détruit des documents compromettants, ils décident de quel parlementaire entre au Parlement. Dans les zones qu’ils contrôlent ils font la loi après avoir rasé les postes de polices.

Ces gangs, dont les deux  principaux, le G9 avec à sa tête « Barbecue », ex-policier, ainsi nommé pour sa propension à faire « griller » ses adversaires, et le GPèp, se battent pour le contrôle de la capitale. Leur dernier affrontement dans le bidonville de Cité Soleil a laissé par terre plus de 250 morts, des centaines des blessés et occasionné la fuite de centaines d’habitants. C’est à celui qui contrôlera le maximum de quartiers populaires et de la zone industrielle dont ils tirent leur enrichissement.

C’est ainsi qu’ils contrôlent les ports, l’entrée et sortie des containers. Ils ont la mainmise sur les arrivages de carburant et contrôlent les dépôts bloquant les livraisons à leur guise. Le transport de marchandises est soumis à leur volonté. Sur les axes principaux, tous les camions, les transporteurs, les bus, les taxis, les motos taxis payent une taxe de passage. Les marchandes, les boutiques et supermarchés sont soumis au même rackett s’ils veulent travailler.

« Barbecue » a un « bureau », où il délivre des actes de naissance et des cartes d’identité. Dans d’autres quartiers c’est le gang qui délivre des connexions électriques de fortune et passe chaque mois pour toucher le paiement de « l’abonnement ».

Dans leur entreprise de remplacement de l’État ils ont pris en charge les enfants des rues en les ramassant pour en faire des guetteurs, des agents de renseignement, des gardiens de personnes kidnappées et des petits assassins les armes à la main.

Le contrôle par les gangs des axes routiers vers la capitale amène un blocage de l’approvisionnement et des pénuries qui affament la population pauvre et appauvrit les paysans qui n’écoulent plus leur production.

Cependant les gangs n’arrivent pas à pénétrer les campagnes, ils opèrent le long des routes, mais sont systématiquement « déchoukés » par la population des quartiers populaires quand ils essaient d’établir une « base ». C’est un exemple plein d’espoir car la capitale est riche du passé de déchoukage des gangs « macoutes » de Duvalier, des « vert olive » de l’armée, des « chimères » (bandits) d’Aristide. Nul doute que les pauvres retrouveront la capacité de se libérer de ces nouveaux gangs, voire définitivement de toute oppression.