Le 13 novembre 1962 les États membres de la Communauté économique européenne (C.E.E.) ont signé une Convention pour associer les Antilles néerlandaises à l’Europe.
La C.E.E. a été créée à la signature du Traité de Rome en 1957. C’est un accord de commerce entre six États riches de l’Europe occidentale avec leurs dépendances coloniales. Une partie du traité prévoyait d’associer à la C.E.E. les pays et territoires d’outre-mer dépendants des pays membres. Seule la Guinée néerlandaise y avait été associée pour les Pays-Bas, il faudra attendre 1962 pour que les démarches d’intégration des Antilles néerlandaises soient entamées.
Les Antilles néerlandaises étaient à l’époque un ensemble de six îles divisées géographiquement en deux groupes. Au Nord des Petites Antilles : la partie néerlandaise de Saint-Martin, qui partage l’île avec la France, l’île de Saba, Saint-Eustache. Puis au sud de la mer des Caraïbes, non loin des côtes vénézuéliennes, Aruba, Curaçao et Bonaire constituent les îles dites « sous le vent ».
Ces îles constituent les restes de l’empire colonial des Pays-Bas. Elles ont été conquises par la compagnie néerlandaise des Indes occidentales au cours du 17ème siècle. Les esclaves y étaient exploités, certains territoires servaient de lieu de transit d’esclaves. L’île de Saint-Eustache servit d’entrepôt d’esclaves et de grand centre pour le trafic de denrées coloniales. L’esclavage ne fut aboli dans ces territoires qu’en 1863.
En 1954, les îles néerlandaises perdent leur statut de colonie et deviennent officiellement une fédération de territoires associée au Royaume des Pays-Bas, Curaçao étant l’île principale.
Aruba et surtout Curaçao grâce à leur positionnement géographique sont d’importants relais commerciaux. Au début du 20ème siècle le premier exportateur mondial du pétrole était le Venezuela. Curaçao fut choisi par la compagnie américaine Shell pour y installer des raffineries. Dans les années 1960, les îles Aruba et Curaçao vivaient presque exclusivement du raffinage du pétrole vénézuélien. Les raffineries de Curaçao étaient capables de sortir près de 300 000 barils de pétrole raffiné par jour.
L’association des Antilles néerlandaises à la C.E.E. posait le problème de l’importation des produits pétroliers raffinés. L’économie de Curaçao et Aruba était sous la dépendance du Venezuela et de la firme américaine Shell. Les cinq autres membres de la C.E.E se méfiaient de ces importations qui pouvaient ébranler leur marché. Les capacités de raffinage, de 35 millions de tonnes par an aux Antilles, étaient pratiquement équivalentes à celle de la France.
Face à la réticence, le traité instituant la C.E.E. fut révisé dès 1962. Les exportations de pétrole vers l’Europe devaient être limitées, et des frais de douane pouvaient être imposés. Ces compromis sont acceptés le 13 novembre 1962 par les États membres lors d’une conférence intergouvernementale. Le statut de territoires d’outre-mer aux Antilles néerlandaises associé à la Communauté économique européenne fut ratifié.
Pour les populations pauvres de ces îles, l’association au marché européen ne change pas grand-chose. En 1969 la population de Curaçao, majoritairement descendante d’esclaves, se souleva contre la menace du chômage. Les travailleurs de l’industrie pétrolière entrèrent en grève et des émeutes eurent lieu dans la capitale, la répression fit deux morts et des centaines de blessés. En 2020 la population s’est révoltée face à la crise et le gouvernement néerlandais fit dépêcher l’armée.
Dans la partie hollandaise de l’île de Saint-Martin les inégalités s’accentuent. Des quartiers complètements démunis y côtoient aujourd’hui les riches casinos. Ces anciennes colonies continuent de changer régulièrement de statut, mais pour les populations rien ne changera tant qu’elles resteront sous l’égide du capitalisme, qu’il soit néerlandais, européen ou américain.