Lénine, avant sa mort, a dicté ces dernières recommandations. Ces textes sont considérés comme le « testament politique de Lénine ». Le 23 décembre 1922 puis le 4 janvier 1923, Lénine faisait état du danger de la bureaucratisation stalinienne.
Lénine fut le principal dirigeant de la révolution russe d’octobre 1917, il contribua à la formation d’un parti ouvrier révolutionnaire, le parti bolchevique. L’existence d’un tel parti a permis à la révolution de 1917 de porter la classe ouvrière au pouvoir. Il fut l’un des deux principaux dirigeants du premier État ouvrier, avec Léon Trotsky.
Des millions d’ouvriers et de paysans firent la révolution, puis résistèrent au sein de l’armée rouge contre les armées des capitalistes qui voulaient abattre le premier État ouvrier. Sous la conduite de Trotsky, l’armée rouge, celle des révolutionnaires, a vaincu l’armée des capitalistes. La guerre dura de 1918 jusqu’au début de 1921. L’État ouvrier réussit à résister mais le pays sortit affaibli par ces années de guerre, de pauvreté, de famine, de maladies. Les travailleurs les plus conscients étaient morts par milliers dans les combats. Lénine comptait sur les révolutions dans les pays industrialisés d’Europe, comme l’Allemagne, pour se débarrasser du capitalisme et construire le communisme à l’échelle mondiale. Mais les révolutions dans ces pays échouèrent. Le pays se retrouva isolé.
À partir de mai 1922, Lénine fut victime d’attaques cérébrales qui l’ont empêché de gouverner. Staline, secrétaire général du parti, en a profité pour manœuvrer et installer encore plus son pouvoir dans les instances supérieures du parti communiste et de l’État. Par sa position, il s’occupa des nominations, favorisant les bureaucrates et arrivistes par rapport aux authentiques révolutionnaires.
En décembre 1922, Lénine s’inquiétait beaucoup des dangers de la bureaucratisation de l’État et du pays. Depuis longtemps déjà il était conscient de cette gangrène bureaucratique qui commençait à déformer l’État ouvrier révolutionnaire.
Au niveau du parti, il s’apprêtait à mener la lutte pour écarter Staline.
Dans ses recommandations (le testament) il disait notamment de Staline : « il a concentré entre ses mains un pouvoir illimité, et je ne suis pas sûr qu’il puisse toujours s’en servir avec assez de circonspection ». Le 4 janvier 1923, il comprit que Staline représentait un danger pour le parti et il a complété sa lettre en affirmant : « Staline est trop brutal, et ce défaut parfaitement tolérable dans notre milieu et dans les relations entre nous, communistes, ne l’est plus dans les fonctions de secrétaire général. Je propose donc aux camarades d’étudier un moyen pour démettre Staline de ce poste et pour nommer à sa place une autre personne ».
En Russie, progressivement se mettait en place un appareil bureaucratique composé d’administrateurs qui ne défendaient plus les idéaux de la révolution de 1917.
Lénine, gravement malade, voulait que ses textes soient lus au douzième congrès du parti en avril 1923. Mais au mois de mars, il est frappé d’une nouvelle attaque qui le paralyse et le prive de la parole. Sa compagne, Nadejda Kroupskaïa, garda le testament, espérant le rétablissement de Lénine. C’est après la mort de Lénine, le 21 janvier 1924, que Kroupskaïa remettra le texte au secrétariat général. Staline a tout d’abord nié l’existence de ce testament, puis il a fini par le reconnaître. Mais déjà il avait concentré en ses mains un immense pouvoir appuyé sur la bureaucratie montante et des éléments qui n’avaient plus rien de révolutionnaires communistes. Il défendait de fait les intérêts d’une nouvelle couche sociale privilégiée issue de la révolution.
Pendant très longtemps l’existence de ce testament fut quand même cachée à la grande masse des travailleurs et de la population. Mais de toute façon ce seul testament n’aurait pas pu redresser le cours des évènements. La classe ouvrière avait perdu le pouvoir. Cela dit, il éclaire malgré tout sur ce que pensait Lénine des principaux dirigeants du parti et de l’État encore révolutionnaire avant sa mort.
Il y avait décrit Trotsky en ces termes : « le plus capable de l’actuel Comité central, mais il pèche par excès d’assurance et par engouement exagéré pour le côté purement administratif des choses ».
« Le plus capable » c’était donc lui et non Staline qui au contraire devait être écarté.
Comme l’a expliqué par la suite Léon Trotsky, les travailleurs auraient été les seuls capables de changer le cours des choses par une nouvelle révolution. Cette dernière aurait été non plus « sociale », mais « politique ». Or, la classe ouvrière n’en était plus capable dans cette période. Par la suite, les militants révolutionnaires de 1917 ont été éliminés politiquement puis physiquement par dizaines de milliers sur ordre de Staline, jusqu’à Trotsky lui-même en août 1940 au Mexique.
« Le testament » de Lénine demeure un texte que tout militant révolutionnaire communiste doit avoir car il est nécessaire avec bien d’autres pour la compréhension de cette période.