Pour la population laborieuse de Port-au-Prince et sa banlieue, les conditions d’existence sont toujours plus périlleuses, plus aléatoires. Les principaux gangs se partagent le territoire. Des alliances se forment pour contrôler les entrées de Port-au-Prince, le port, les marchés publics.
Les ouvriers qui vont sur la zone industrielle travailler deux ou trois jours dans la semaine pour avoir un salaire sont sous la menace de se faire dépouiller de tout. Les patrons profitent de la situation pour rogner sur les salaires. C’est ce qui s’est passé dans l’entreprise SISSA, fabricant des vêtements. Mais cette fois le patron Alain Villard a trouvé en face de lui des ouvrières et ouvriers déterminés.
Depuis le mois de décembre 2022, les ouvriers devaient toucher les congés payés associés à leur salaire et aux bonifications. Prétextant la crise, le patron n’avait pas payé les congés et avait donné la date du 17 février pour régulariser les congés payés des 2 000 salariées. Le salaire est tellement bas qu’il ne suffit pas pour payer le transport, la nourriture, alors faire des économies est impossible. Cette somme qui équivaut à un mois de salaire est attendue par les ouvriers car c’est un appoint pour rembourser les dettes, payer le loyer ou l’école des enfants. Alors les ouvriers étaient attentifs à ce 17 février.
Le vendredi 16, un petit chef faisait courir le bruit qu’il y avait des problèmes et que le patron ne serait pas en mesure de payer les congés comme prévu. Cette annonce a révolté les ouvrières et ouvriers, ils ont abandonné les machines à coudre. Ils se sont rassemblés dans les allées et se sont dirigés vers le bureau de la direction pour demander des comptes. Ils ont occupé l’usine déclarant qu’ils ne partiraient pas sans leur dû. La direction s’est barricadée dans ses bureaux, a envoyé une délégation. Les occupants ont tenu bon et au final tous les ouvrières et ouvriers ont été payés correctement.
Une action qui montre que le seul langage que les patrons connaissent c’est la force et la mobilisation des travailleurs pour les obliger à satisfaire les revendications.