Le 53ème Congrès de la CGT (Confédération générale du Travail) s’est déroulé en France comme tous les trois ans. Le fait marquant a été l’élection pour la première fois d’une femme, Sophie Binet, à la tête du syndicat.
Si la CGT est le syndicat ayant le plus d’adhérents, il est le second syndicat en France, car, lors des élections professionnelles dans le privé, la CFDT a plus de voix que la CGT. Ce choix lors des votes dans les entreprises peut s’expliquer par l’évolution, ces dernières années, de la vie au travail. En effet la situation d’un nombre plus important de travailleurs à statut précaire, en intérim, en sous-traitance, avec de bas salaires, entraîne de la démoralisation, un recul des idées de lutte et dirige les votes vers des organisations syndicales plus « modérées » comme la CFDT.
Ces deux dernières années, la CGT a connu une baisse importante des adhérents. Mais, avec les grèves récentes, 16 000 nouveaux travailleurs viennent de se syndiquer à la CGT. Ce congrès a été l’occasion de nombreux débats, parfois houleux. Il a été question de décisions peu démocratiques de la direction sortante. Des militants ont dénoncé la modération du secrétaire général sortant Philippe Martinez qui, pendant le congrès, se serait déclaré d’accord pour une médiation sur la réforme des retraites, ils criaient : « On ne t’a pas mandaté pour demander la médiation ! ». Martinez serait l’homme du « compromis », même si avec les grèves actuelles son langage est plus combatif.
L’évolution vers le compromis avec les patrons est choquante dans le syndicat qui fut à l’origine l’avant-garde de la conscience ouvrière, à la pointe des combats : la CGT revendique aujourd’hui la défense de la production « française », le « rapatriement des industries en France ». Et pas le renversement du capitalisme ni la fin de ses conséquences désastreuses : inflation, hausse des prix, crise économique, licenciements, misère de la classe ouvrière, guerres.
Les débuts de la CGT étaient tout autres : ses premiers militants cherchaient le contact avec les prolétaires du monde entier pour mener ensemble la lutte ouvrière, déclencher des grèves, s’organiser en comités de grève. Ainsi ils ont obtenu la journée de huit heures au lieu de 12 ou 10, les congés payés, la sécurité sociale, la retraite à 60 ans. Ces premiers combattants savaient la nécessité de construire un parti du prolétariat, communiste, pour que les travailleurs prennent le pouvoir.
L’événement au 53è congrès de la CGT a été l’élection de Sophie Binet. Une autre militante, Marie Buisson, candidate proposée par Martinez, n’a pas été retenue par les militants. Un travailleur, Laurent Mateu, a vu sa candidature rejetée car « ne répondant pas aux règlements de la CGT ». Sur le site de la CGT, les commentaires de nombreux militants regrettent cette décision, il apparaissait comme un travailleur du rang, très combatif.
Autour de la nouvelle élue, les commentaires vont de l’enthousiasme à la colère. Sophie Binet, 41 ans, était responsable de la Fédération des cadres à la CGT – fait critiqué par les ouvriers. Elle a milité à l’UNEF, syndicat étudiant, au Parti socialiste et serait proche des idées de Martinez, jugé plutôt modéré. Face à la situation, elle annonce la décision de se rendre au rendez-vous de la première ministre, mais avec la direction de la CGT, avec les autres syndicats et pour « exiger le retrait de la réforme pour les retraites » : plutôt adapté à la lutte actuelle ! Elle pose aussi le problème de la syndicalisation des travailleurs précaires, sous-payés, de plus en plus nombreux depuis quelques années. Elle prévoit de mener un combat pour les problèmes des femmes qu’elle mène déjà. Elle parle aussi de lier la lutte sociale, grèves, à la lutte pour l’environnement.
Les syndicats actuels, malgré les apparences, ne font plus peur à la bourgeoisie et à ses serviteurs politiques. Ils sont le plus souvent un intermédiaire pour le grand patronat pour qui « le dialogue social » sert à tromper les travailleurs. Et beaucoup de chefs syndicaux jouent ce jeu-là.
Pour les militants révolutionnaires communistes, il y a certes nécessité de militer dans les syndicats parmi des milliers de travailleurs. Mais en concevant le syndicat, comme disait Lénine, comme « l’école de la révolution » et non pas comme une sorte d’organisme chargé de faire passer les mesures anti ouvrières du grand patronat. Parfois même les dirigeants syndicaux agissent comme une police au sein de la classe ouvrière pour faire accepter les lois anti ouvrières. Par contre, le syndicat vu comme une école de la révolution devrait préparer des cadres ouvriers révolutionnaires et le plus possible d’ouvriers révolutionnaires pour renverser le système d’oppression capitaliste et non pas s’en accommoder. Seuls des partis ouvriers révolutionnaires puissants permettront la révolution ouvrière pour abattre le système capitaliste porteur de guerres et de catastrophes infinies pour les masses ouvrières. Que les grèves et les luttes actuelles fassent revivre la conscience de classe des travailleurs et elles seront un pas supplémentaire vers la conscience révolutionnaire émancipatrice des travailleurs et de l’ensemble de l’humanité.