Selon une étude de l’INSEE, les tendances observées récemment indiquent que la population de la Martinique devrait diminuer pour atteindre 339 000 habitants en 2030 contre 400 000 en 2013.
C’est en grande partie la jeunesse étudiante ou travailleuse qui quitte les deux îles de Guadeloupe et Martinique. Ces jeunes tentent de trouver du travail ou de mieux gagner leur vie ou encore ils vont suivre des études en France mais aussi au Canada (très à la mode en ce moment) ou aux USA.
Sur l’ensemble de la période 2018-2070, la Martinique connaitrait la plus importante baisse de France, devant la Guadeloupe.
La projection des tendances démographiques conduit à un doublement de la part des personnes de plus de 60 ans. Elle passe de 18 % en 2007 à 36 % en 2030 dont 57 % de femmes dans les deux cas. La Martinique deviendra alors le deuxième département le plus âgé de France après la Corse.
Le recul démographique menace le dynamisme économique, social, culturel et politique du territoire, qui pourrait perdre près de 50 000 habitants d’ici 2030.
Une longue histoire
Cette tendance démographique a commencé il y a bien longtemps en Martinique et en Guadeloupe, avec le départ en masse de milliers de jeunes antillais soumis à la loi française par l’organisme « BUMIDOM » (Bureau des migrations des départements d’outre-mer.)
C’était une politique voulue, délibérée du pouvoir colonial de l’époque, pour contrecarrer la contestation sociale forte dans la jeunesse.
La fin de la révolution cubaine, la guerre d’Algérie, la révolte des Noirs américains enflammaient l’imagination d’une fraction de cette jeunesse qui exprimait sa sympathie pour ces mouvements, beaucoup trop forte sans doute à l’époque pour les autorités coloniales. Elle aura joué un rôle dans les décisions du gouvernement. Elle s’ajoutait à l’existence des organisations anticolonialistes tels les Partis communistes guadeloupéen et martiniquais, puissants à l’époque, à l’activisme de plusieurs organisations nationalistes autonomistes ou indépendantistes comme l’OJAM (organisation anticolonialiste martiniquaise) en 1963 dont tous les leaders ont été emmenés de force et emprisonnés à la prison de Fresnes), à la création en 1965 du groupe communiste révolutionnaire Trotskyste « Combat ouvrier ». L’influence du GONG (groupe d’organisation national de la Guadeloupe) prônant l’indépendance commençait à s’étendre dans toute la Guadeloupe.
C’est en mai 1967 et en février 1974 que les travailleurs et la population de Martinique et de Guadeloupe ont connu l’épilogue – jusqu’ici tout au moins – d’une longue liste de massacres perpétrés par le pouvoir colonial depuis l’abolition de l‘esclavage en 1848.
Depuis, régulièrement la population résidente a baissé. Par le biais du service militaire et de l’émigration à peine forcée du BUMIDON, le départ de la jeunesse s’est accentué.
Le processus a ainsi continué jusqu’à aujourd’hui. Le BUMIDOM, de sinistre mémoire, a été remplacé par LADOM (l’agence d’outre-mer pour la mobilité) mais le but reste le même, vider ces territoires de leur jeunesse. L’objectif de ces organismes est facilité par les conditions sociales déplorables : entre 18 % et 25 % de chômage, pouvant atteindre les 50 % chez les jeunes de moins de 25 ans. Ces jeunes ne vivent que de petits jobs, de manière très précaire. Les vols sont légion ainsi que les braquages à main armée. Les règlements de compte sanglants entre bandes, liés comme dans tous les pays au trafic de drogue, sont réguliers et augmentent.
Parallèlement on constate une classe riche et moyenne qui ne se prive de rien, voitures à plus de 50 000 euros, épiceries fines dans les quartiers choisis, villas aux allures de petits châteaux dans certains quartiers.
La plupart des gens très aisés sont généralement blancs mais il y a aussi une couche aisée noire et indienne, partie intégrante de cette moyenne bourgeoisie arrogante.
Ceux qu’on ne voit pas, sont ceux qui envoient leurs serviteurs faire les courses. Ce sont les « grands Blancs », tels les Hayot, Despointes et ceux du lobby béké qui dominent l’économie des deux îles en liaison avec les grosses multinationales.
Immigration ouvrière et immigration coloniale
Il existe une immigration qui ne compense cependant pas la perte. Cette immigration doit être différenciée. Il y a l’émigration haïtienne qui fuit massacres, pauvreté et destructions et qui est la plus importante. Elle est pour l’essentiel, clandestine. Mais après plusieurs années de galère beaucoup qui ont pu échapper aux rafles parviennent à obtenir des papiers de résident après un vrai parcours du combattant. On remarque aussi l’arrivée de beaucoup de ressortissants de Saint Domingue.
Il y a aussi des Français blancs qui débarquent en plus grand nombre appartenant à différentes catégories sociales : des marginaux en quête d’exotisme et vivant de petits boulots, sac au dos. Un certain nombre de travailleurs que l’on voit par ci par là, travaillant comme vendeurs dans les magasins. On a remarqué déjà – la préfecture elle-même en a fait état rapidement et en passant – une discrimination à l’emploi. Des demandes d’emplois sont bien plus facilitées pour les Blancs que pour les Noirs. Les patrons blancs les réclament plus souvent que des Noirs sous le prétexte fallacieux qu’ils ne trouvent pas de travailleurs qualifiés dans le domaine qu’ils cherchent. Mais jamais une formation n’est proposée sur le lieu de travail.
Cela, c’est la pratique coloniale vécue depuis des siècles aux Antilles. Elle est dénoncée lors de fortes contestations ouvrières et populaires régulières car ouvriers et classes populaires y sont combatifs et ont des traditions de lutte importantes.
Aux Antilles, le Blanc c’est le riche, c’est le chef, cela est bien connu et s’est incrusté dans la conscience populaire depuis des siècles. C’est l’histoire qui en a été la cause, avec en particulier deux siècles d’esclavage et 70 ans de colonialisme. Il est moins violent aujourd’hui mais plus insidieux et retors.
Cependant une petite arrivée de blancs travailleurs peu nombreux et sans état d’esprit colonial rend les rapports plus simples et humains entre ouvriers blancs et noirs. Entre Noirs pauvres et Blancs pauvres il y aura toujours une entente. Les USA même l’ont connu après la guerre de sécession dans le sud. Dans les grandes usines de France, les liens de classe demeurent forts entre ouvriers d’origines et de couleurs diverses.
Non au génocide par substitution !
Le mal par contre, ce sont ces Blancs qui débarquent avec suffisamment d’argent, qui s’approprient des terrains et villas. Le centre de l’île de Marie-Galante en est un exemple. Car cette belle île se vide plus que les autres. Quand on est guadeloupéen pauvre ou il est très difficile d’y vivre, encore plus avec la double insularité.
Dans cette catégorie de Blancs riches et aisés, l’esprit colonial ne disparait pas. Ceux-là vivent entre eux, ne fréquentent pas la population noire et la regardent de haut, en conquérants, avec tous les préjugés ancestraux des maitres blancs à l’égard des Noirs.
En Guadeloupe vers Sainte Anne et Deshaies il y a déjà eu une succession de protestation contre des Blancs ayant construit des zones fermées de villas avec interdiction d’accès à la mer pour les non-résidents qui sont en majorité des Noirs. Des manifestants ont brisé des portails d’interdiction. Il y a aussi régulièrement des incidents de ce genre en Martinique.
Dans l’île d’Aimé Césaire, un quartier connu été surnommé « békéland » car c’est là que sont regroupés les plus luxueuses propriétés des bé- kés auxquelles s’adjoignent celles de certains Blancs « vini » (nouveaux venus) les « Blancs France ». Car on distingue « Blancs pays », les békés, et « Blancs-France ».
Dans le passé, Aimé Césaire avait mis en garde contre une forme de « génocide par substitution ». Alors cet aspect des choses mécontente la population qui y perçoit une nouvelle forme de colonisation de peuplement.
Le cas de la Nouvelle Calédonie
C’est de cette façon que Messmer à l’époque, premier ministre de De Gaulle, avait fait entrer en Nouvelle Calédonie des milliers de pieds-noirs d’Algérie, mais aussi d’Asiatiques et d’autres venus d’ailleurs pour affaiblir le mouvement indépendantiste et finir par donner le droit de vote à bien des ressortissants non kanaks. Et les indépendantistes kanaks ont perdu les différents référendums sur l’indépendance, pas totalement à cause de ce phénomène mais il aura joué beaucoup. Plus grave est ce qui s’est produit dans les années 80 où le gouvernement a utilisé ces Blancs nommés « Caldoches » en Nouvelle Calédonie pour les constituer en milices armées contre les Kanaks armés. Ces derniers paralysaient tout leur pays pour montrer la force qu’ils représentaient pour leur liberté. Et c’est avec le concours de ces mêmes Caldoches que les services de renseignements français ont fait tuer par des tireurs d’élite connus, Eloi Machoro, chef de guerre kanak, et son adjoint Nonnaro alors qu’ils étaient en pleine négociation avec les militaires français lors de l’occupation d’une ferme.
Contre tous les riches : tous les travailleurs !
La venue de Blancs aisés et riches est favorisée par le colonialisme français en Martinique et en Guadeloupe.
Une petite classe ouvrière d’origine haïtienne existe. Par exemple dans le secteur de la banane la majorité des travailleurs est constituée de travailleurs haïtiens émigrés. Ils ont participé à plusieurs reprises à de grandes grèves dont celle de 2017.
Les Blancs ouvriers et pauvres sont en petit nombre pour l’instant mais pourraient devenir plus nombreux. En tant que travailleurs, ils doivent comprendre qu’ils sont les alliés de classe naturels des travailleurs noirs et indiens. Ils peuvent renforcer la lutte de tous les travailleurs contre les bourgeois békés, blancs, noirs ou indiens.
Donc malgré la baisse de la natalité, l’émigration des jeunes organisée par l’administration coloniale, il y a de quoi être optimiste en ce qui concerne le nombre et le poids de tous ces travailleurs qui constituent la classe ouvrière.
Le rôle des militants communistes révolutionnaires qui militent à leurs côtés dans les syndicats, les entreprises et leurs quartiers consiste à faire naitre ou renaître chez nos frères, la conscience de classe. Une telle conscience permettra de construire un parti ouvrier révolutionnaire communiste, un outil nécessaire aux travailleurs pour renverser le système capitaliste qui nous mène tous au chaos. Et il crée lui même la possibilité de sa propre destruction par ceux-là même qu’il a importés d’un continent à un autre. Et ce qui est valable en Guadeloupe sur ce plan-là, l’est dans tous les pays et singulièrement dans toutes les grandes puissances occidentales.
Oui, le parti ouvrier révolutionnaire de la révolution mondiale naîtra de là et renversera le système d’oppression du capitalisme mondial.