Le film, du même titre est un film à voir. Il retrace une tranche de vie de Frantz Fanon, intellectuel martiniquais, anticolonialiste et psychiatre à l’hôpital de Blida pendant la guerre d’Algérie.
Plusieurs années auparavant, en 1943, Frantz Fanon avait comme de nombreux jeunes de Martinique et de Guadeloupe rejoint « la dissidence ». Il avait quitté clandestinement sa famille et la Martinique via l’île de la Dominique pour s’engager dans les troupes françaises libres et combattre les troupes nazies.
Fanon, militant du FLN
La guerre d’indépendance éclate peu après son arrivée en Algérie en novembre 1954.
Frantz Fanon s’oppose d’emblée aux méthodes médicales qu’il découvre dans cet hôpital. Les patients sont enfermés dans le noir dans des cellules ignobles. Il les fait libérer à l’air libre pour se détendre, jouer et parler entre eux. Et globalement ils vont mieux. Le directeur menace Fanon. Propos du directeur européen : « ces malades algériens, arabes sont pires que les autres précisément en raison de leurs origines algériennes et arabes. » On est tout de suite plongé dans l’univers colonialiste.
Fanon peu à peu se lie au FLN – Front de Libération Nationale algérien. Il accepte de cacher des blessés du FLN dans l’hôpital. Il devient pratiquement militant du FLN dans son domaine. Il est surveillé et menacé. Deux ans après sa démission de l’hôpital il se trouve à Tunis où siège le GPRA (Gouvernement provisoire de la république algérienne).
En mars 1960, il est nommé ambassadeur du GPRA au Ghana. Peu après, Fanon meurt d’une leucémie aux USA à l’âge de 36 ans. L’œuvre de Fanon : Peau noire, masques blancs, Les damnés de la terre, Sociologie d’une révolution, est très instructive. Elle sert à comprendre, y compris sur le plan psychiatrique, les dégâts du colonialisme sur les femmes, les hommes et les enfants en général et sur les Noirs en particulier. Il analyse les dégâts psychologiques des militants torturés par l’armée française en Algérie mais aussi ceux des tortionnaires.
Fanon, nationaliste
Cependant, Frantz Fanon, tout comme bien d’autres penseurs anticolonialistes, est resté prisonnier de la pensée nationaliste. C’est-à-dire d’une pensée limitée à se débarrasser du système colonial y compris par la lutte armée mais pour des objectifs qui sont restés limités aux revendications d’une classe sociale, la petite bourgeoisie, voire la bourgeoisie nationale dans certains pays. Jamais Fanon, comme d’autres éminents intellectuels nationalistes, ne s’est adressé spécifiquement à la classe ouvrière et aux classes pauvres des colonies et encore moins à ceux des pays capitalistes avancés. Il y a un monde pourtant entre le colonisé des couches supérieures de la société et les colonisés des classes ouvrières et pauvres. Ce monde est un monde de classes sociales.
L’Algérie est devenue indépendante à l’issue d’une guerre impitoyable contre l’armée et l’État français. Ce fut une victoire importante pour la dignité des Algériens et des peuples colonisés. Mais la population des villes et des campagnes est restée pauvre et exploitée dans sa grande majorité. Le régime est corrompu et dictatorial.
Nationalisme et communisme révolutionnaire
Fanon comme les autres intellectuels nationalistes ont fait un choix. Malgré toute leur culture, ils n’ont pas cherché les véritables voies de l’émancipation des opprimés, c’est-à-dire le programme communiste révolutionnaire. Certains sont entrés aux partis communistes, français, martiniquais, guadeloupéen mais ces partis étaient déjà gangrénés par le stalinisme et le nationalisme. Pourtant un programme et une voie communistes existaient, c’était ceux de Léon Trotsky et des militants communistes qui ont combattu le stalinisme.
Dans les années 60 une poignée d’étudiants martiniquais et guadeloupéens dont ceux de notre organisation, Combat ouvrier – UCI (Union communiste internationaliste) se sont ralliés au trotskysme c’est-à-dire au communisme révolutionnaire.
Dès notre fondation en novembre 1965 nous affirmions : Notre but doit être de mobiliser la classe ouvrière afin qu’elle prenne la tête de la lutte de libération nationale, afin qu’au travers de cette lutte elle construise ses propres organes de pouvoir. La classe ouvrière et son parti peuvent passer des accords avec les organisations paysannes, partager démocratiquement le pouvoir avec celles-ci éventuellement, passer des accords de Front unique avec les organisations nationalistes petites bourgeoises participant à la lutte de libération nationale, mais en aucun cas, laisser les masses prolétariennes urbaines et rurales sous la direction exclusive de ces organisations. Dans ce cas on dit qu’on lutte pour le socialisme mais on lutte en fait contre les travailleurs, pour la petite bourgeoisie.
Fanon n’avait pas fait ce choix et c’est bien là que se situe notre opposition avec sa politique comme avec toute forme de nationalisme.