Le 30 décembre 1922, il y a un siècle, a été proclamée l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) avec la signature d’un traité d’union entre la République Socialiste Soviétique Fédérative de Russie, l’Ukraine, la Biélorussie et la République de Transcaucasie.
Quand le pouvoir révolutionnaire réussit à vaincre la contre-révolution bourgeoise après plusieurs années de guerre civile, les territoires où les travailleurs ont pris le pouvoir, s’unissent sous l’appellation d’URSS.
L’URSS est alors le plus vaste État de la planète, occupant un sixième des terres émergées, regroupant une centaine de peuples et surtout c’est un État ouvrier révolutionnaire.
La révolution de 1917 devait s’étendre
En octobre 1917, les militants du parti communiste révolutionnaire, les bolcheviks, n’ont pris le pouvoir que sur une petite partie de l’ancien empire russe tsariste. Toute l’énergie révolutionnaire est mise au service de la consolidation de ce pouvoir et à son extension partout. Une Internationale révolutionnaire est créée, la troisième internationale, le Komintern. Ce dernier œuvre pour créer des partis communistes partout dans le monde, pour que le prolétariat parte à la conquête du pouvoir politique. Il ne s’agit pas pour les bolcheviks de transformer l’économie et d’instaurer le pouvoir des soviets dans un seul pays, la Russie. La révolution russe devait être la locomotive de la révolution mondiale. Celle qui pousse le prolétariat à arracher le pouvoir à la bourgeoisie, partout.
Dès 1918, c’est la guerre civile entre les Rouges, communistes, et les Blancs partisans du retour au pouvoir de la bourgeoisie. En fait, toutes les puissances impérialistes dont la France se sont liguées contre le jeune État ouvrier et ont envoyé leurs armées sur un front de 8 000 kilomètres.
Entre 1918 et 1919 l’espace sur lequel s’exerçait le pouvoir des soviets se réduit : plus de blé de l’Ukraine, manque de nombreuses ressources minières, l’industrie est considérablement réduite. Pourtant, l’Armée rouge, armée révolutionnaire, constituée des ouvriers mais aussi de paysans, sut vaincre la coalition contre-révolutionnaire. Cette coa-lition ne réussit pas à rallier à elle les peuples des nationalités autrefois opprimées par les tsars de Russie.
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
L’ex-empire de Russie, l’empire tsariste surnommé « prison des peuples », était un régime autocratique qui asservissait durement les peuples et réprimait toute forme d’expression culturelle non-russe. La révolution avait tout de suite offert aux peuples de l’ex-empire tsariste la possibilité de décider par eux-mêmes de leur avenir, jusqu’à la séparation s’ils le souhaitaient. La révolution combattait toutes les formes d’oppression. Les bolcheviks ne voulaient pas s’imposer par la force. C’était aux masses pauvres elles-mêmes de prendre la voie de la révolution sociale face aux classes privilégiées des différents pays. Cette liberté profita parfois aux courants nationalistes bourgeois locaux qui ont tenté d’asseoir leur pouvoir sur les masses. Les révolutionnaires proposaient aux masses ouvrières et paysannes de s’unir contre leurs exploiteurs, quelles que soient les nations. Le régime révolutionnaire sut gagner à lui de cette façon les peuples non-russes dont les armées paysannes furent un soutien inconditionnel pour l’Armée rouge.
L’indispensable perspective de la révolution mondiale
Pour Lénine et Trotsky, l’union devait se faire sur une base d’égalité complète avec le centre russe. Il fallait au maximum encourager les initiatives venues d’en bas. Lénine dénonçait vivement en 1922 les dérives autocratiques, les comportements chauvins, dits « grand-russiens » existant chez certains dirigeants du parti, notamment Staline et Ordjonikidzé qui tentèrent la même année de subordonner par la force les communistes de Géorgie.
Dès les premières années de son existence, l’URSS subit les conséquences des défaites des révolutions en Europe. La démocratie ouvrière, qui permettait aux ouvriers d’élire leurs propres dirigeants et d’exercer un contrôle sur eux faisait lentement place au régime arbitraire bureaucratique, dont le représentant en chef devait être Staline. Trotsky décrit ce phénomène dans un texte paru en 1933 : « Les difficultés terribles de l’édification socialiste dans un pays isolé et arriéré, jointes à la fausse politique de la direction, qui elle aussi reflète en fin de compte la pression du retard et de l’isolement, ont abouti à ce que la bureaucratie a exproprié le prolétariat politiquement pour sauvegarder par ses propres méthodes les conquêtes sociales de celui-ci. ».
L’Union des républiques socialistes et soviétiques devait être une étape, la conservation des acquis de la révolution, dans la perspective d’une révolution mondiale. Quand elle fut isolée et contrôlée, au service de la bureaucratie stalinienne, elle ne pouvait plus jouer ce rôle.
Malgré la dégénérescence stalinienne et l’isolement, l’URSS de 1922 représenta des possibilités immenses pour la classe ouvrière mondiale ! À l’échelle d’un sixième du globe, la propriété privée des moyens de production avait été abolie, il y eut un véritable bond en avant face à l’arriération économique et sociale. L’État ouvrier représentait l’espoir d’une autre voie possible, d’une alternative au système capitaliste. La révolution ouvrière russe de 1917 et l’URSS de 1922, et non l’URSS stalinienne qui suivit, au service de la bureaucratie, demeurent un exemple pour les travailleurs du monde entier.