Toujours coupés du reste du pays et du monde entier, les habitants de la capitale qui sont contraints d’y rester, vivent une angoisse quotidienne. Renforcés par leurs succès sur les forces de sécurité, les gangs mettent la pression pour conquérir les zones qui leur échappent, comme ces communes situées sur les mornes dominant Port-au-Prince.
C’est dans cette partie de la capitale que se concentre maintenant l’essentiel des activités économiques : les stations de bus, de motos, les activités informelles de la population, des marchés de fortune ici et là et des files interminables de voitures qui tentent de se frayer un chemin. Tout cela sous la menace constante des gangs.
Aux limites des territoires des gangs, les tirs d’armes automatiques rythment la vie des habitants des quartiers qui hésitent entre fuir et rester. Les cadavres s’amoncellent dans les rues, le massacre de la population se poursuit.
Après Cité Soleil où ils ont tué plus de 200 habitants, les bandits ont donné l’assaut le 24 décembre à une partie des locaux de l’hôpital général où des travaux de nettoyage étaient en cours. Le gouvernement voulait relancer les activités de ce centre hospitalier installé en plein centre d’un territoire de gangs. Trois journalistes qui couvraient ces événements et deux policiers ont été tués, sans compter plusieurs blessés dont certains dans un état grave.
Dans le département de l’Artibonite, la police mène des opérations pour déloger le gang qui a massacré plus d’une centaine de personnes au mois de novembre, mais le gang réplique en se vengeant sur la population.
Le 15 décembre, après plusieurs autres, c’est l’hôpital Bernard Mews sur la route de l’aéroport qui a été incendié et pillé rendant l’accès aux soins encore plus difficile.
Depuis l’éviction du premier ministre Garry Conille, les lavalassiens se démènent pour reconquérir le pouvoir. Les anciens aristidiens refont surface et s’installent partout dans l’administration publique, entendant bien profiter de postes lucratifs proches du pouvoir.
Leslie Voltaire, le président actuel, s’est rendu en Colombie pour demander l’aide des pays sud-américains de l’ALBA (Alliance Bolivarienne des peuples d’Amérique) pour contrer les gangs. Un pied de nez aux USA qui ne voient pas cette initiative d’un bon œil.
Dans la sous-traitance, les patrons après avoir réalisé leurs contrats ont mis en vacances forcées la plupart des quelques milliers d’ouvriers restants depuis le 13 décembre. Le salaire minuscule reçu en fin d’année, incluant la prime, le paiement du congé annuel, s’est encore réduit avec le dépérissement du secteur. Une situation qui va s’aggraver car le congrès américain n’a pas renouvelé la loi HOPE pour le secteur de la sous-traitance qui conférait des avantages douaniers et fiscaux aux patrons opérant en Haïti.
Les intempéries s’ajoutent et aggravent la situation d’insécurité, un tel niveau de pluie en fin d’année est exceptionnel. Depuis plus d’un mois plusieurs départements sont inondés, au nord comme au sud. Des éboulements de terrain et inondations ont occasionné des centaines de victimes, un autre reflet de l’état de délabrement avancé de l’État, de l’effondrement des services publics.
Ce sont les travailleurs, la population laborieuse en général qui sont les victimes de la faillite du fonctionnement de la société.
Pour y faire face, cette majorité de la population s’organise tant bien que mal, face à l’exploi-tation que lui impose la minorité possédante. Blanqui, un révolutionnaire de 1848 disait « qui a du fer a du pain, en présence des prolétaires armés, obstacles, résistances, impossibilités, tout disparaîtra ». En 2025 l’armement de la population laborieuse pour défendre ses intérêts est d’autant plus d’actualité.