Le mois de mai a été celui de grands événements dans l’histoire des luttes des opprimés, esclaves ou ouvriers aux Antilles françaises.
26, 27, 28 mai 1802 en Guadeloupe
La révolution française de 1789 a attendu cinq ans avant de décréter l’abolition de l’esclavage dans les colonies. En 1794, le gouvernement révolutionnaire de la Convention le fait. Victor Hugues est envoyé en Guadeloupe comme représentant de la Convention pour faire appliquer l’abolition. Les esclaves nouvellement libérés participent avec lui aux actions contre les maîtres blancs, dont beaucoup émigrent. Il n’y aura pratiquement plus de grands Blancs en Guadeloupe. Ils sont guillotinés ou fuient en Martinique occupée par les Anglais. Tous les Noirs seront libres. Dans le même temps les esclaves de Saint Domingue (actuelle Haïti) mènent la lutte avec Toussaint Louverture. Des liens s’établissent dans la Caraïbe et aux États Unis entre les combattants pour la liberté des Noirs asservis.
Mais bientôt Napoléon Bonaparte, au pouvoir en 1799, va décider de rétablir l’esclavage. Traitreusement il envoie des troupes en 1802, celles même de la révolution française, pour réaliser ce projet tant à Saint Domingue qu’en Guadeloupe. En Guadeloupe, la lutte est menée par les Noirs, révoltés de devoir revenir à l’esclavage. Les troupes du général Richepance débarquent le 6 mai à la Darse à Pointe-à-Pitre, le 16 mai à Basse-Terre. Les soldats noirs de la révolution subissent de la part des envoyés militaires de Napoléon les pires humiliations, déshabillés et jetés dans des bateaux. Ce sera alors la guerre pour empêcher le retour de l’esclavage, « Vivre libres ou mourir ! ». Les héros de cette lutte sont Delgrès, colonel de l’armée, Ignace, Solitude. Il y a des milliers de morts pour la liberté en ce mai 1802. Le 18 novembre 1803, les combattants d’Haïti gagnent la bataille de Vertières et empêchent le rétablissement de l’esclavage.
22 mai 1848 en Martinique
L’arrestation de l’esclave Romain met le feu aux poudres à St Pierre. Il bat du tambour, signe de contestation du maître et sera emprisonné. Malgré sa libération le 22 mai, les esclaves continuent à manifester.
Des heurts ont lieu avec l’armée. Les esclaves en colère s’attaquent aux maîtres les plus cruels. Saint-Pierre est en feu, « Nou brilé kann béké ». C’est l’insurrection. L’abolition est décrétée le 23 par le gouverneur avant l’arrivée du décret gouvernemental pour éviter davantage de violences.
27 mai 1848 en Guadeloupe
Comme en Martinique, depuis quelques années, les esclaves ne se soumettaient plus, ils partaient dans les îles voisines où l’abolition était déjà adoptée, parfois même avec les bateaux des maitres blancs. Ils organisaient des départs groupés. Victor Schœlcher le raconte lui-même. Il fallait donc voter l’abolition et accepter le travail salarié. Le décret de la loi proposée par Schœlcher votée au Parlement en France le 27 avril 1848, tardait à arriver. La révolte de Martinique a entrainé l’abolition en Guadeloupe quelques jours plus tard, là aussi avant l’arrivée du décret gouvernemental.
26, 27, 28 mai 67 en Guadeloupe
En 1967, la misère, aggravée par le cyclone de 1966, est grande en Guadeloupe. Les chômeurs sont nombreux et sans allocations. Les ouvriers du bâtiment revendiquent 2 % d’augmentation ! Les forces de l’ordre tirent sur les grévistes sur la place de la victoire. La répression est sauvage. Le 27 mai, au lendemain d’une nuit de massacre de la population des quartiers pauvres par l’armée, les lycéens de Baimbridge n’ont pas hésité à descendre dans les rues en solidarité avec les ouvriers face aux fusils. Ils sont mis en joue sur la place de la victoire. Mais pas de tirs.
Pendant des dizaines d’années le gouvernement a caché le lourd bilan de la répression : il y eut environ une centaine de morts. Cela pour les intérêts d’un patronat qui ne voulait pas céder. Dans les quartiers, des jeunes, chômeurs pour la plupart, ont exprimé leur colère. Ils furent plusieurs à s’armer et à riposter contre les gardes mobiles. Beaucoup sont emprisonnés. Le gouvernement français en a aussi profité pour s’attaquer au jeune mouvement indépendantiste, le GONG, accusé à tort d’être responsable de la grève. Mais, à l’heure des luttes anticoloniales dans le monde, l’État tentait de tuer dans l’œuf les revendications séparatistes.
L’esclavage salarié a remplacé l’esclavage du Code Noir et exige encore et encore des luttes. Les tueries de 1967 n’ont pas réussi à éteindre la volonté de combattre l’exploitation, l’oppression : les grèves, les explosions de colère n’ont jamais cessé. Ceux qui subissent l’oppression aujourd’hui voient plus clairement le fonctionnement de cette société et la nécessité de la renverser pour abattre l’esclavage moderne.