Nous publions ci-dessous l’éditorial du mensuel Voix des travailleurs du 1er décembre 2020 édité par nos camarades de l’Organisation des travailleurs révolutionnaires (OTR) en Haïti.
Des médecins ont spontanément gagné les rues après l’annonce de l’enlèvement d’un interne à l’hôpital général. À Carrefour, la population a résisté durant trois jours à un groupe de gangsters. Armés de pics, de bâtons et de machettes, certains parents sortent groupés pour emmener leurs enfants à l’école. Signes d’un ras-le-bol général par rapport à la violence des gangs armés, la généralisation et l’organisation de toutes ces initiatives dans les quartiers populaires de tout le pays est la seule façon efficace de mettre hors d’état de nuire les bandes criminelles.
L’insécurité sous toutes ses formes : braquages, kidnappings contre rançon, exécutions sommaires, etc. prend des proportions alarmantes. Les gangs armés ont certes des armes sophistiquées. Avec la complicité du gouvernement, ils peuvent profiter du chaos de la lutte politique pour le pouvoir, du développement du grand banditisme pour élargir en toute impunité leur base criminelle à travers de nombreuses zones du pays, mais ils ne sont qu’une infime minorité. Ils se sentent d’autant plus forts que la population, apeurée, ne réalise pas encore qu’elle seule détient la capacité de vaincre ces malfrats. Mais face à ces lâches qui s’en prennent à des personnes isolées et désarmées, y compris des jeunes filles, des travailleuses, des femmes enceintes, des vieillards, il peut se dresser la lutte consciente et organisée de la majorité de la population.
C’est peut-être une amorce de cette résistance, le début d’une révolte collective qui est en train de se me mettre en place au vu des derniers événements. La séquestration suivie de l’assassinat de la jeune lycéenne Évelyne Sincère avait ému la population. D’autres crimes crapuleux ont indigné et laissé des familles sans voix. En réaction, dans les quartiers, dans les tap-tap, dans les usines, les gens en parlent et se montrent solidaires des personnes affectées.
La population doit se remémorer et s’inspirer des luttes qu’elle a menées contre des gangs comme les criminels à la solde du régime de Raoul Cédras, FRAPH, les escadrons de la mort sous le règne de Regala, Namphy, la milice de sinistre mémoire, les tontons macoutes. Ce ne sont pas les pouvoirs d’État sous la couverture et au service desquels ces gangs fonctionnaient qui les ont déchouqués, mais bien la lutte des millions d’habitants des quartiers pauvres, des travailleurs qui les a mis hors d’état de nuire.
En dispersant le début de la manifestation des internes médecins en solidarité avec leur collègue kidnappé samedi dernier au Champ de Mars, en s’en prenant à tour de bras à toutes les initiatives de la population contre l’insécurité, la police et le gouvernement de Jovenel ont montré qu’ils sont du côté des assassins. Ainsi, pour vaincre les gangs armés, les masses populaires ne peuvent compter que sur leur nombre, leur détermination et leurs luttes…