Une fois de plus, du 8 au 15 mai, un ministre des « D.O.M. » est passé aux Antilles pour rappeler
que le colonialisme français est bien là. Le nouveau ministre a effectué sa visite d’intronisation en
pleine crise sociale marquée par la lutte des travailleurs, des lycéens, des jeunes. Mais il
n’envisageait de régler les problèmes sociaux qu’à la manière habituelle du colonialisme ; c’est-àdire
que son plan était de tromper — ou d’essayer de tromper — au moins une partie de la
population avec de belles paroles et de briser avec la violence la plus sauvage ceux qu’il n’y a plus
moyen de tromper. Et, cette fois encore, c’est exactement ce qui s’est produit. A ceci près que
Messmer n’a pas dû tromper grand monde. Les bavardages du ministre n’ont pu satisfaire que les
béni-oui-oui serviles venus se traîner à ses pieds. Mais les travailleurs ont bien compris que
Messmer, comme ses prédécesseurs, n’avait pas daigné s’intéresser à leurs problèmes.
Mais, dans le même temps où quelques pitres ergotaient sur la « générosité » de la France, les brutes
armées au service du colonialisme français faisaient la loi dans le pays. Les faits sont trop connus de
tous pour les citer en détail. Il suffisait parfois d’être simplement suspect pour être arrêté et frappé.
A Fort-de-France, à coups de matraque, de crosse, de grenades, les képis rouges se sont déchaînés
des heures durant, contre les manifestants, faisant de nombreux blessés, et le jeune Gérard Nouvet,
qui ne manifestait même pas a été tué par une grenade lacrymogène tirée à bout portant. Pourtant,
son assassin n’a même pas été inquiété. Mais, de toute façon, l’abruti qui l’a tué n’était qu’un
instrument. Par son bras c’est le colonialisme qui a assassiné une fois de plus.
Messmer avait beau discourir sur la générosité de la métropole et dépeindre avec des couleurs
sombres tout ce qui arriverait aux Antilles en cas de séparation. La grenade qui a explosé au visage
du jeune Gérard Nouvet a jeté une lumière crue sur la nature véritable des liens entre l’impérialisme
français et ses colonies antillaises.
Ces liens coloniaux ne peuvent se maintenir que par la répression. Et ceux qui prétendent, qu’entre
l’impérialisme français et les masses travailleuses des colonies le dialogue est possible, mentent
sciemment. La seule forme de dialogue, c’est celle dont les policiers ont donné un exemple sanglant
ce jour-là, à Fort-de-France.
Claude ROCHA