CO N°1 (24 mai 1971) – Quand les résidents s’organisent pour dénoncer les foyers du B.U.M.I.D.O.M.

PARIS XIIe Le foyer Ruche-del-Campo, situé rue de Charenton, dans le 12ème arrondissement,
appartient au Bumidom qui y loge pêle-mêle un certain nombre de jeunes travailleurs antillais, à la
recherche d’un emploi. Ce foyer a le triste privilège d’être géré par un couple, dont la qualité
morale première est le racisme… Ainsi, comme toute réponse à un résident qui voulait savoir
pourquoi les draps n’étaient pas changés plus souvent, la gérante rétorquait que « la couleur de sa
peau risquait de les noircir trop vite… ». N’eût été que le racisme de ces gérants (notons au passage
que leur racisme a pu être à l’origine de leur choix comme gérants), l’on pourrait penser qu’il n’y a
qu’à les jeter dehors, pour que les choses aillent mieux. Mais il y a pire. Non seulement les jeunes
résidents sont entassés à 5 ou 6 dans une chambre exiguë (15 mètres carrés, une seule fenêtre
donnant sur la cour), où l’hygiène et la salubrité sont quasi-inexistantes, mais ils ne disposent pour
se laver que d’un lavabo situé dans les W.C., sur le palier, et pour lequel ils sont 26. En outre,
chambres et placards sont dépourvus de clé. Ce serait, paraît-il, pour faciliter les inspections. En
effet, à n’importe quel moment de la journée, les résidents peuvent avoir la visite du gérant ou de la
gérante. Pour ce qui est des repas, les jeunes occupants du foyer n’ont droit qu’à celui du soir, fait
très souvent avec des restes. Et s’il leur vient à l’idée de se plaindre, comme cela s’est produit à
maintes reprises, il n’est pas rare que la gérante refuse carrément de les servir. Ajouté à cela, le fait
que le foyer ne met aucune salle commune (de jeux ou de réunion) à ta disposition des résidents,
justifie que ceux-ci en ont assez de ce foyer-prison du Bumidom, et sont bien décidés à ne plus se
laisser faire. C’est pourquoi ils ont mis sur pied un comité de lutte, au sein duquel les discussions,
fort nombreuses et ouvertes à tous sans exception, ont porté jusqu’ici sur la façon de contraindre le
Bumidom à entendre directement leurs revendications quant aux conditions de vie dans ses
différents foyers. Le comité se fixe comme objectif immédiat de rencontrer les résidents d’autres
foyers, et de faire connaître leur lutte à l’extérieur par voie de tracts, affiches, etc…
A l’heure où nous écrivons, les occupants du foyer Ruche-del-Campo n’ont pu obtenir aucune
amélioration notable. Cependant, ils ont compris que, seule une action d’ensemble pouvait amener
le Bumidom à les loger de façon plus décente, et les gérants à les considérer comme des hommes,
non comme des bêtes.