J’ai 51 ans et je suis enseignante dans un lycée de Seine-Saint-Denis. Membre de la direction de Lutte ouvrière, j’ai pris le relais d’Arlette Laguiller en tant que porte-parole nationale en 2009 et j’ai été la candidate de Lutte ouvrière aux élections présidentielles de 2012 et de 2017.
Rien dans mon histoire ne me portait à devenir militante, et encore moins porte-parole d’un courant communiste. Je suis née et j’ai grandi à Peyrins, un village de la Drôme. Mes grands-parents, maternels comme paternels, travaillaient la terre et mon père était garagiste. Je fréquentais donc essentiellement un milieu d’artisans et de petits commerçants, enracinés depuis plusieurs générations dans la région.
À 18 ans, lycéenne en sport-études et interne à Lyon, j’ai découvert les idées communistes entre deux matchs de Volley-ball. Parmi mes amis, des militants des jeunesses communistes faisaient circuler le Manifeste du parti communiste de Karl Marx. Jusqu’alors, je m’étais sentie une responsabilité dans l’avenir de la société sans savoir par quel bout m’attaquer au problème. En découvrant Marx, les idées communistes et le mouvement ouvrier, j’ai découvert la riche histoire des révoltes et des insurrections et j’en ai retiré l’idée que l’avenir de l’humanité était lié aux combats du monde du travail.
En 1988, alors que j’étais en classe préparatoire à Lyon, j’ai rencontré des militants de Lutte ouvrière, héritière du courant trotskyste. Cela m’a permis de comprendre que le communisme n’avait rien à voir avec la caricature sanglante qu’en avaient fait Staline et la bureaucratie, qui avaient confisqué le pouvoir en Union soviétique à la fin des années 1920. Je découvrais les idées communistes non frelatées par le stalinisme.
Je me suis engagée à Lutte ouvrière parce que, contrairement au Parti communiste, devenu stalinien et parti de gouvernement s’adaptant au système capitaliste, LO n’avait pas renoncé à la révolution et défendait la perspective du pouvoir des travailleurs. Elle le faisait non pas de façon théorique, mais en militant dans la classe ouvrière, pour que les travailleurs s’emparent à nouveau eux-mêmes de ces idées.
J’ai donc commencé à militer à Lyon en 1988, où j’ai discuté largement dans mon entourage, au lycée puis à l’université où je terminais mes études. Je participais à de nombreuses activités, distribuant des tracts et vendant notre hebdomadaire devant les entreprises de la région, dans les quartiers, allant discuter en porte-à-porte dans les cités ouvrières de l’agglomération.
Arlette Laguiller a été la porte-parole de Lutte ouvrière pendant 35 ans. Elle était la première femme, la première travailleuse, candidate à l’élection présidentielle de 1974. En 2007, elle se présentait pour la sixième fois et pensait à la relève. À Lyon, j’étais la porte-parole locale de notre petit parti et quand il a fallu choisir une tête de liste pour les élections européennes de 2009, mes camarades m’ont demandé d’assumer cette fonction. Aucune primaire ou mise en concurrence des candidats n’a été nécessaire, ces pratiques nous étant complètement étrangères, car à Lutte ouvrière, l’engagement se conjugue au pluriel, sans politiciens professionnels cherchant à faire carrière. Pour moi, comme pour Arlette auparavant, devenir porte-parole était une tâche militante parmi d’autres, avec en plus la responsabilité de nous représenter dans les médias et devant les travailleuses et les travailleurs auxquels nous nous adressons.
Cela fait aujourd’hui plus de trente ans que je milite et ces perspectives communistes révo-lutionnaires, indissociables des combats des travailleurs, m’enthousiasment autant que lorsque j’avais 20 ans.
Nathalie Arthaud