Depuis le 3 mars, des manifestations se déroulaient en Corse presque chaque jour. À plusieurs reprises, elles ont tourné à l’émeute.
La colère a explosé suite à l’agression très violente du militant nationaliste Yvan Colonna. Il est en prison depuis 2003, accusé d’avoir tué le préfet Érignac cinq ans avant. Comme la plupart des détenus nationalistes, Colonna purge sa peine loin de la Corse, sur le « continent » c’est-à-dire en France hexagonale. Passé à tabac par un codétenu, il a été retrouvé inanimé le 2 mars. Il est depuis entre la vie et la mort.
Certains soupçonnent que cette agression a été commanditée par l’État. D’autres pensent qu’elle n’aurait pas eu lieu si Colonna avait été transféré en Corse, comme il le demandait. Le principal slogan des manifestations est donc « Statu francese assassinu » (État français assassin).
Ces manifestations ont débouché sur des affrontements dans les principales villes de Corse. À plusieurs reprises, il y a eu des dizaines de blessés parmi les forces de répression. À Ajaccio, le tribunal a été incendié, et une banque attaquée à l’aide d’une tractopelle. Le 13 mars à Bastia, près de 10 000 personnes se sont rassemblées, ce qui est considérable pour une île de 350 000 habitants.
Darmanin, le ministre de l’Intérieur, a été expédié d’urgence en Corse. Il a déclaré que le gouvernement est « prêt à aller jusqu’à l’autonomie. Après, la question est de savoir ce qu’est cette autonomie. Il faut qu’on en discute ».
L’autonomie est la revendication principale des mouvements nationalistes corses depuis de nombreuses années. Certains réclament l’indépendance. Les manifestations actuelles déboucheront peut-être sur des compétences élargies pour l’assemblée territoriale corse, et une forme d’autonomie.
Mais cette explosion de colère n’exprime pas seulement un sentiment nationaliste. Elle provient aussi des difficultés vécues par les couches laborieuses de la population corse, frappées comme partout par la précarité et la vie chère. Ces problèmes sont plus importants en Corse, où les prix sont plus élevés que sur le continent, surtout pour les produits de première nécessité et les carburants. Le taux de pauvreté est de 19 % de la population en Corse, contre 14 % dans l’Hexagone.
Si le gouvernement et les élus nationalistes trouvent un accord sur le statut de la Corse, cela ne règlera pas ces difficultés rencontrées par les travailleurs et la population pauvre. Pour cela, les classes populaires ne pourront compter que sur elles-mêmes.
PS : Yvan Colonna est mort lundi 21 mars.