Le 6 mars, au large de Key Largo en Floride un bateau de fortune contenant plus de 300 boat people haïtiens a fait naufrage. Près d’une centaine ont rejoint à la nage la plage, arrivant à proximité d’un hôtel de luxe. L’intervention des gardes côtes et la prise en charge rapide de ceux qui étaient à terre, ont abouti au regroupement d’une partie des naufragés avant leur expulsion vers Haïti.
Dans la même semaine les policiers sont intervenus sur trois échouages d’embarcations transportant des Haïtiens qui tentaient d’atteindre les États-Unis.
Le nombre de ceux qui périssent noyés dans le naufrage des coquilles de noix lors de ces traversées n’est pas comptabilisé. Le mirage d’une meilleure vie est toujours attractif pour ceux qui n’ont plus rien à perdre. Ceux pour qui rien ne peut être pire que de vivre dans un quartier de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, de villes de province où les gangs font la loi.
Le gouvernement de Hariel Henry, Premier ministre, sait lancer ses policiers contre les manifestants ouvriers ou lycéens, mais il se montre incapable de faire face aux bandes armées. Il en finance certaines. Le minimum de service public n’est plus maintenu et chacun doit se débrouiller, avec en plus la nécessité de composer avec l’insécurité. La vie est rythmée par la pression du gang du quartier. La survie est liée à un certain nombre de règles qui sont propres à chaque quartier et au gang qui le contrôle. Il y a des scènes quotidiennes de panique provoquées par un kidnapping au centre-ville où les gens s’éparpillent pour éviter une balle perdue. Aussi certains tentent d’échapper à cet enfermement en prenant un bateau clandestinement.
Malgré cela, il y a quelques réactions. Deux médecins ont été enlevés dans leur cabinet le 2 mars, l’association médicale haïtienne avait lancé une grève du 14 au 16 mars. Un émissaire est allé avec une rançon, les médecins ont été relâchés mais l’émissaire a été gardé par le gang pour demander une autre rançon.
Puis il y a aussi ce refus de se courber face à l’oppression des gangs. On l’avait vu lors des manifestations des travailleurs du parc Sonapi où leur nombre avait tenu en respect les gangs. Il y a l’exemple des jeunes du Collège Jacques Roumain dont le directeur a été kidnappé le 11 mars. Pendant 3 jours ils ont manifesté dans le centre-ville, ils ont été dispersés par la police. Le directeur et sa femme ont été libérés le 17 mars après paiement d’une rançon, mais le chauffeur a été gardé en attente d’une autre rançon.
Il y a toujours des requins pour profiter de telles situation. La route du Sud étant bloquée par les gangs, le transfert par avion s’est accru en quelques mois vers la ville des Cayes. La compagnie Sunrise Airways a vu ses vols et le nombre de passagers augmenter considérablement et du coup le prix des billets s’est envolé. Les 19, 20 et 21 mars des habitants, des passagers ont bloqué la piste du petit aéroport des Cayes pour protester. Ils expliquaient « Deux des avions appartiennent au sénateur Hervé Foucand, il est assis au sénat et ne fait rien pour libérer la route du Sud. Cela lui rapporte de l’argent !». Les habitants se préparent à manifester à nouveau le week-end du 26 mars.