En novembre 2021, une révolte sociale embrasait la Guadeloupe et la Martinique. Pendant trois semaines des jeunes des quartiers populaires et des militants du mouvement ouvrier ont tenu des barrages routiers qui ont bloqué les deux îles.
Les raisons de la colère
Cette révolte populaire a été déclenchée suite à la suspension de plusieurs centaines de travail-leurs de la santé et assimilés parce que ces derniers ne voulaient pas se faire vacciner. Le 12 juillet 2021, préparant la loi du 5 août, l’annonce de Macron imposant l’obligation vaccinale est arrivée dans une atmosphère de restrictions sanitaires et de couvre-feu imposés à la population depuis plusieurs mois à cause de l’épidémie de Covid-19. La population majoritairement hostile et méfiante, à tort, envers le vaccin a perçu l’obligation vaccinale comme une énième provocation de la part du gouvernement.
Quelques jours plus tard, environ 8 000 personnes ont défilé dans les rues de Pointe-à-Pitre et plusieurs centaines dans les rues de Fort-de-France. Des organisations syndicales et politiques dont Combat ouvrier, se sont regroupées pour former un collectif.
Le 15 novembre 2021, en Guadeloupe, au mot d’ordre de grève générale lancé par ce collectif, des soignants suspendus et leurs soutiens ont érigé des barrages routiers à proximité de leurs piquets de grève. Des manifestants ont été gazés et leurs barrages levés.
Le même jour en Martinique, au CHU, vaccinés et non-vaccinés ont riposté par une volée de projectiles face aux gendarmes qui voulaient les empêcher d’accéder au bâtiment.
La révolte
Les jours suivants, en Guadeloupe, la tension est montée et des jeunes des quartiers pauvres ont pris le mouvement en main en érigeant des barrages sur les principaux axes routiers. Très rapidement, leur nombre a dépassé celui des militants des diverses organisations. Il s’agissait le plus souvent de jeunes chômeurs, mais aussi de jeunes travailleurs. Des femmes et des hommes plus âgés étaient aussi présents.
Les barrages ont été des lieux de vie, d’organisation et de débats. Les jeunes s’organisaient pour veiller jour et nuit, faisait des relais, des rondes, cuisinaient et dormaient sur place.
En Guadeloupe, les plus symboliques étaient ceux de Montebello à Petit-Bourg, de Bouliqui et de Perrin – près de la caserne des pompiers – aux Abymes, de Sainte-Rose sur le pont de la Boucan et de Rivière des Pères à Basse-Terre.
Des émeutes urbaines ont éclaté à Pointe-à-Pitre. Des magasins ont été pillés et incendiés. Des jeunes ont répondu aux lacrymogènes et grenades des forces de l’ordre par des tirs à balles réelles. Ce qui était une folie mais qui montrait leur détermination. Plusieurs casernes de gendarmerie aussi ont été attaquées à coup de coktail molotov.
Des barrages s’érigèrent en Martinique sur lesquels les manifestants dormaient et se relayaient, comme à Place Mahault, à Carrère… Tous les soirs, au quartier de Sainte-Thérèse à Fort-de-France, des jeunes tiraient aussi et avec la même folie à balles réelles sur les forces de l’ordre.
Réponses d’un gouvernement colonial
La première réponse de l’État fut d’envoyer en renfort les troupes d’élites de la gendarmerie et de la police, d’abord contre les jeunes émeutiers.
Cependant, la colère allait bien au-delà de l’obligation vaccinale. On sentait s’exprimer le ras-le-bol de la misère et surtout du mépris des autorités. Ces jeunes dénonçaient le chômage massif, les bas salaires, les coupures d’eau et l’empoisonnement au chlordécone.
La deuxième réponse de l’État fut d’envoyer le ministre des Outre-mer de l’époque. Il refusa de discuter avec les représentants des grévistes. Il proposa l’autonomie, ce qui n’avait absolument rien à voir avec le mouvement. Il voulait que le collectif des organisations en lutte condamne la violence avant toute négociation. C’était demander de se mettre à genoux et demander pardon au grand chef blanc.
Suite et fin de la révolte
Les révoltés cherchent alors à mieux s’organiser à partir des barrages.
Le 24 novembre, les manifestants de Montebello avec l’appui de militants de Combat ouvrier ont créé un comité d’action et dressé la liste de leurs revendications. Un tract a été confectionné puis distribué aux passants.
Mais dès les premiers jours de décembre, les forces de l’ordre et leurs renforts passent à l’action musclée, commencent à démanteler les barrages et libérer les routes méthodiquement. Face aux tentatives de reconstruire les barrages un peu plus loin elles restent sur place et empêchent toute nouvelle tentative. Peu à peu tous les barrages sont détruits.
Aujourd’hui encore la répression contre le mouvement continue. Des jeunes ont été arrêtés et emprisonnés après des procès expéditifs.
En janvier 2022, sept hommes dits « Grands frères » ont été arrêtés et subissent un véritable acharnement des autorités. Ils sont accusés d’avoir organisé les émeutes en novembre 2021. Ils ont été placés en isolement avec interdiction de contact avec leurs proches. Certains ont été expédiés dans des prisons de l’Hexagone et de Martinique.
Combat ouvrier dénonce le traitement qui leur est réservé et réclame leur libération !
Des braises sous la cendre
Pendant ce temps, à l’autre bout de la société, la classe bourgeoise, les gros propriétaires aux villas cossues avec leurs gros bateaux de plaisance et leurs voitures à plus de 50 000 euros vivent richement de l’exploitation des travailleurs et du peuple pauvre. Un certain nombre d’entre eux tirent leur fortune originelle de l’exploitation esclavagiste.
Cette situation sociale ne peut être qu’un cocktail explosif qui finira tôt ou tard par déboucher sur d’autres explosions de ce type.
Mais il faudrait que les explosions à venir renforcent la conscience des pauvres et des travailleurs pour qu’ils construisent leur propre force politique, leur propre parti, afin de pouvoir décider de leur propre sort, obtenir des avancées sociales réelles, en attendant de prendre le pouvoir politique par la révolution sociale.