Le 7 février 1986, Jean-Claude Duvalier était déchouké et s’enfuyait dans un avion militaire américain.
Après l’assassinat de trois jeunes aux Gonaïves le 28 novembre 1985, l’agitation partie de la jeunesse scolaire s’était transformée en une vague de manifestations et d’émeutes qui mobilisaient les quartiers pauvres. Des véritables rouleaux compresseurs se formaient spontanément dans les quartiers et sections rurales, regroupant en quelques instants des centaines de jeunes, chômeurs ou pas, s’armant de machettes, de piques, de couteaux, de pierres et de bidons d’essence. Ils parcouraient les rues, prenaient pour cibles des macoutes, leur maison, magasin ou véhicule, brisant la résistance de ceux qui n’auraient pas fui. Les chefs macoutes étant partis en même temps que Duvalier.
La place vide au Palais National a été occupée par un Conseil National de Gouvernement (CNG) composé de cinq militaires et un civil comme caution. Ce CNG installa des politiciens aux différents postes d’un gouvernement qui se mit au service des possédants. Les travailleurs, les pauvres, qui avaient été le moteur du déchoukage étaient dépossédés de leur victoire et leurs intérêts piétinés. Ils n’ont pas réussi à reprendre la direction des mouvements depuis.
Lors du déchoukage en 1986, le prolétariat industriel s’était engagé dans l’activité politique, il aurait pu donner une direction naturelle à la masse des pauvres mais il s’est engagé derrière des leaders qui l’ont bercé d’illusions démocratiques.
Aujourd’hui on voit des politiciens du même acabit, voire même des anciens de l’époque de 1986, qui prennent la tête de cortèges de manifestants et qui demandent la démission d’Ariel Henry pour prendre la place, assurant qu’avec eux la vie sera belle.
On a vu Ariel Henry serviteur des possédants, impuissant face aux gangs et permettant aux bourgeois de continuer à faire des bénéfices sous le joug des gangs. Quelles sont les offres de ces prétendants qui s’agitent ?
Que ce soit Guy Philipe et son groupe armé du BSAP (Brigade de sécurité des aires protégées), Moïse Jean Charles, les politiciens du groupe de « l’Accord de Montana » ou les autres groupes de politiciens, ils sont dans le même camp. Ils parlent de « restaurer la souveraineté haïtienne, remettre à flot une classe moyenne, remettre sur pied une armée d’Haïti, rendre l’économie d’Haïti compétitive ». Ils enveloppent tout cela de belles paroles et vagues promesses sur un avenir meilleur.
Mais aucun d’entre eux ne veut toucher au pouvoir des grands possédants, les Apaid, Biggio, Brandt, Mevs, Madsen, ceux qui exploitent les travailleurs. Parce qu’ils sont aussi du côté de ces patrons, qu’ils défendent les mêmes intérêts et sont contre les travailleurs.
Aujourd’hui dans les usines, les ouvriers font face à l’exploitation quotidienne des patrons, ils s’organisent pour la combattre par des débrayages, des grèves – aussi minimes soient-elles – avec leurs organisations, des comités. Ils ont déjà eu l’expérience de syndicats qui parlaient en leur nom et qui trahissaient leur lutte dans le même temps en s’entendant avec les patrons. Ces combats ont montré aux ouvriers que c’est en dirigeant eux-mêmes leurs luttes pour leurs intérêts propres qu’ils étaient victorieux, et en s’organisant en comité de lutte qu’ils augmentaient leurs possibilités de succès.
Ces expériences sont un chemin de lutte et d’organisation qu’ils tracent et qui peut être repris par les travailleurs, les pauvres en lutte pour défendre leurs intérêts face aux politiciens de tous bords qui prétendent défendre les pauvres. Seuls les pauvres, les travailleurs armés organisés dans leur parti et en comités de lutte sont capables de déchouker cette bourgeoisie, et ses gangs armés pour réaliser les intérêts des pauvres.