CO N°1324 (23 mars 2024) – Éditorial – Haïti : la nécessité pour les pauvres de prendre le pouvoir

Le 11 mars, Ariel Henry, le Premier ministre, annonçait sa démission sous la pression des bandes armées et de l’impérialisme américain, à travers l’ONU et les États des Caraïbes. Ces derniers tentent de mettre en place un conseil présidentiel en vue de préparer des élections.

Les principaux partis politiques se sont positionnés comme candidats à la future présidence. Certains comme « Pitit Dessalines » entendent faire leur propre conseil présidentiel, sans l’ingérence des autres pays. Mais la réalité est que ce beau monde est mis au second plan par les bandes armées qui s’imposent comme les maîtres des lieux. Regroupées sous le nom « Vivre ensemble »  depuis début mars, ces gangs se posent aussi comme une alternative au pouvoir.

Aucune solution pour les travailleurs ne viendra de l’impérialisme et de ses satellites, ni des classes dirigeantes et autres aventuriers en quête de pouvoir, ni des gangs. Si le pays est dans cet état, c’est parce qu’il a été utilisé par les capitalistes locaux et occidentaux pour exploiter à moindre coût la classe ouvrière d’Haïti. Le pays a été maintenu dans une situation misérable par les classes dirigeantes. Les politiciens en place et la bourgeoisie haïtienne se sont rempli les poches sur le dos de la classe ouvrière, notamment en gouvernant par la terreur, en ayant recours à des bandes armées.

Aujourd’hui, les gangs se sont émancipés de leurs politiciens commanditaires. Jusqu’à présent ils n’occupent pas officiellement le pouvoir, mais dominent le fonctionnement de la société par les crimes et la terreur sanglante.

Des politiciens déjà corrompus, candidats au pouvoir, recherchent des solutions au chaos social, au vide administratif et gouvernemental. Mais aucun ne cherche à mettre fin à ce système qui conduit à la barbarie, le système capitaliste.

La question n’est pas d’avoir un nouveau président. Que pourra-t-il faire de plus face aux gangs ? Quant aux gangs, produits des pouvoirs successifs au service des riches, ils ne disparaitront pas d’un coup de baguette magique ! Le problème de fond est d’abolir la société capitaliste, société d’inégalité et d’exploitation, terreau sur lequel pousse la violence et donc les gangs.

La seule perspective serait que les travailleurs, les paysans, les masses pauvres en Haïti saisissent cette occasion de vide étatique et administratif pour mettre en avant leur propre force, prendre le pouvoir et l’exercer eux-mêmes. Mais la prise du pouvoir par les masses populaires nécessite une conscience élevée, et la capacité de s’organiser collectivement autour de leur parti, indépendamment de l’impérialisme, de la bourgeoisie haïtienne, et des politiciens à leur service.

La conscience de classe, c’est la conscience que tous les exploités forment un seul et même camp face aux exploiteurs qui pillent les richesses créées par les travailleurs. C’est la conscience d’être la seule force sociale capable de mener une révolution qui puisse libérer toute la société.

Il n’y a pour l’instant ni cette conscience, ni l’organisation de classe qu’il faudrait. Mais les masses en s’emparant de ces idées deviendront une force sociale capable d’organiser la société pour répondre aux besoins urgents de la population d’Haïti : élire partout leurs propres organes de pouvoir avec des dirigeants élus et révocables à tout moment, organiser des milices ouvrières armées avec des dirigeants élus par la population pour protéger les quartiers face aux gangs, contrôler la production et les ravitaillements, se répartir le travail entre tous, organiser des cantines collectives, multiplier les constructions pour reloger la population… En somme participer à la gestion consciente et collective de la société.