Le mardi 13 mai des manifestants ont provoqué une coupure d’électricité générale dans la région de Port-au-Prince et le département du Centre. Ils ont forcé l’arrêt de la centrale hydroélectrique qui alimente toute la région.
Le directeur de l’Électricité d’Haïti a dénoncé un sabotage. L’un des organisateurs a répondu que cette action était menée pour protester contre l’insécurité, déclarant : « Nous avons décidé d’arrêter la centrale hydroélectrique parce que le gouvernement a abandonné ces villes aux mains des gangs criminels. Les autorités refusent de déployer la force nécessaire pour chasser les bandits et ramener la paix. Tant que cette situation demeure, la centrale de production restera fermée ».
Les gangs organisés, assassins, kidnappeurs, s’en prennent à la population. Les raids dans les quartiers populaires ont entraîné plus de deux millions de déplacés internes, selon les chiffres d’organisations non gouvernementales. Les habitants des quartiers sont chassés par la violence des bandes criminelles qui emportent tout ce qu’elles trouvent puis incendient les maisons. Dans les décombres elles installent des postes armés pour combattre l’éventuelle venue de policiers.
La plus grande partie des victimes déplacées a trouvé refuge dans certains bâtiments publics, sur des terrains vides aménagés à la sauvette ou sur le trottoir dans la rue. Nombreux aussi sont ceux qui tentent la chance de se rendre à l’extérieur du pays, fuyant l’incapacité ou la complicité des autorités. Mais ceux qui ont réussi à traverser vers la République dominicaine sont renvoyés après avoir subi la violence des gardes et l’ostracisme d’une partie de la population.
Quant aux ouvriers qui travaillent dans les rares usines ouvertes, ils subissent un blocage des salaires depuis trois ans. Aujourd’hui, avec la dévaluation de la gourde, le salaire journalier de 500 gourdes équivaut à peine à 3,30 euros. Avec cela un ouvrier ne peut même pas acheter un plat de riz avec sauce devant l’usine, c’est le prix du trajet aller-retour au travail. Alors pour ramener quelques sous à la maison, il vient à pied et ne mange pas à midi.
Dans le même temps les prix des produits de consommation courante ont doublé, triplé, idem pour ceux du transport en commun, du loyer. Devant la fonte de leur pouvoir d’achat, les ouvriers exigent des autorités un ajustement de salaire qui tienne compte de cette inflation. Ce n’est pas la priorité du Conseil Présidentiel de Transition dont les membres se bousculent pour être à la gestion de l’État et se servir dans les finances publiques.
Leur intervention contre l’insécurité est un fiasco. La police haïtienne est dépassée, sous-armée par rapport aux gangs. Quant à la mission multinationale de sécurité menée par le Kenya, elle est inefficace et son déploiement est resté localisé à la zone de l’aéroport. Durant les trois premiers mois de 2025, plus de 1 600 personnes ont été tuées selon les Nations Unies.
Asphyxiées par la violence des gangs, les masses populaires courbent le dos et résistent. Elles attendent le moment propice, une opportunité qui leur permettra de passer à l’action comme elles ont pu le faire à certains moments appelés « bwa kalé ». Elles s’efforcent de regrouper leurs forces, construire leur propre organisation pour pouvoir compter sur elles-mêmes.