CO N°1348 (12 avril 2025) – Il y a 60 ans – L’impérialisme américain intervenait en République dominicaine

« Ce n’est pas sans répugnance que j’ai dû donner l’ordre d’intervenir en République dominicaine » voici les mots que le président des États-Unis, Lyndon Johnson, prononça le 28 avril 1965 pour justifier l’embarquement des premiers marines à bord du porte-avion S.S. Boxer. Il prétendait « protéger la vie et les biens des ressortissants américains de Saint-Domingue ».

La République dominicaine est un État de la Caraïbe qui était peuplé à l’époque de plus de trois millions d’habitants. En 1961 après la mort du dictateur Rafael Trujillo, des élections libres sont organisées en décembre 1962.

Juan Bosch au pouvoir

Juan Bosch, un libéral de gauche, gagne les élections présidentielles le 20 décembre 1962 avec le soutien du Parti révolutionnaire dominicain (PRD). Il obtient ce succès grâce aux voix des classes populaires et surtout rurales. Mais cette victoire ne plaisait pas aux conservateurs ni à l’Église, qui accusait Bosch d’être un agent communiste. Arrivé au pouvoir, il a mis en place des réformes qui garantissaient au peuple plus de libertés, notamment en matière de droit du travail et syndical. Il a aussi proclamé l’égalité entre les hommes et les femmes. Il a instauré une réforme agraire, a légalisé le divorce. Il a annulé des contrats avec des compagnies nord-américaines afin de privilégier les intérêts de la République dominicaine. Les Latifundistes (grands propriétaires terriens), l’Église catholique et les industriels se sont opposés à ces nouvelles réformes.

Coup d’État militaire et guerre civile

Le 24 septembre 1963, un coup d’État militaire dirigé par le général de l’armée de l’air Elias Wessin y Wessin du clan trujilliste, porte au pouvoir un civil David Reid Cabral. Bosch s’est exilé à Porto-Rico. Après le coup d’État, le PRD a appelé le peuple à se soulever contre ce coup d’État. Le peuple insurgé prit la forteresse Ozama et réclama le retour du président Bosch. C’était une explosion populaire après trente ans de dictature du régime Rafaël Trujillo qui avait exploité, opprimé le peuple dominicain sur fond de crise sociale et économique. Le pays recensait 60 % d’analphabètes, 35 % de chômeurs, 65 % de paysans sans terre travaillant comme fermiers ou comme ouvriers agricoles dans les champs de canne à sucre, moins de 1 % de la population possédait 54 % des terres. Quatre puissantes compagnies américaines possédaient l’économie du pays : la United fruit Company, l’Alcoa, la West Indies Sugar Corporation et la South Porto-Rico Sugar Trading company. La misère, les inégalités, le sous-développement, l’exploitation, le chômage ont alimenté les révoltes sociales.

La guerre civile commença par des combats sanglants avec le bombardement aérien suivi d’une offensive des « forces de l’ordre » sous le commandement du général Wessin y Wessin. En mai 1965, il avait acquis le surnom de « boucher de San-Isidro » suite aux mitraillages de la population civile de la capitale. En sept jours de combats il y aurait eu 2000 morts et 10 000 blessés. Le nouveau président provisoire Murena s’est réfugié à l’ambassade de Colombie. Le colonel Caamano Deno mit en déroute les troupes de Wessin le 28 avril.

Intervention militaire américaine

Après cet épisode, le président Johnson décida d’intervenir en République dominicaine. Les États-Unis ont déployé plus de 30 000 hommes avec tout le matériel militaire et des blindés contre la rébellion.

Le 2 mai 1965, le président Johnson déclarait dans son discours que « La forme et la nature du gouvernement dominicain libre, est l’affaire exclusive du peuple dominicain », il ajouta : « Notre objectif, conformément aux grands principes du système interaméricain, est de contribuer à empêcher la création d’un autre État communiste dans cet hémisphère ». Il était hors de question pour l’impérialisme américain dans un contexte de guerre froide avec l’URSS, que la République dominicaine devienne un deuxième Cuba.

Les États-Unis ont pris les commandes du pays pour sauvegarder ses intérêts commerciaux. Ils ont déployé des moyens considérables pour mettre fin à la rébellion mais l’impérialisme américain a eu bien des difficultés à mater dans le sang la révolte populaire. Ce n’est qu’au bout de quatre ans de conflits que les États-Unis ont pu avoir leur première victoire. Des élections ont été organisées le 1er juin 1966. Elles ont été préparées par le président provisoire Garcia Godoy. L’ancien ministre de Trujillo, Joaquim Balaguer, qui était le favori des États-Unis, a remporté les élections.

L’intervention américaine en République dominicaine avait surtout pour objectif d’imposer l’ordre capitaliste par tous les moyens y compris militaires. Il s’agissait aussi de sauvegarder la zone d’influence nord américaine face à l’URSS. L’impérialisme américain s’est imposé dans la région en intervenant dans plusieurs pays de la Caraïbe comme l’invasion de la Grenade en 1983 ou de l’Amérique latine pour conserver les intérêts de la bourgeoisie américaine dans la région au détriment des populations pauvres.