Vendredi 12 mars une unité d’élite de la police a essayé de déloger ce gang de la zone qu’il contrôle. Cela a été un fiasco, quatre policiers ont été tués et huit autres blessés. Les corps ont été exhibés sur les réseaux comme des trophées et les hommes armés paradaient sur deux véhicules enlevés à la police.
Jovenel Moïse tonitruant à la télévision, a affirmé qu’il « restait maître chez lui » et que la police allait reprendre ce quartier dans un bref délai. Pour appuyer cette fanfaronnade, il a lancé un appel en direction de l’ONU pour un appui logistique. Cette opération a déjà été réalisée par le passé quand la bourgeoisie internationale était venue à l’aide de la bourgeoisie haïtienne avec une MINUSTAH, mission des nations unies pour la stabilité en Haïti. Mais pour l’heure, Jovenel Moïse est devant un constat : « le chien a mordu la main de son maitre ».
Les bourgeois qui ont financé l’armement de ces hommes de main pour faire élire Jovenel et le maintenir au pouvoir voient que leur contrôle n’est pas garanti. Tant que les malfrats se bornaient à pressurer les pauvres et attaquer les manifestations de travailleurs ils restaient dans leur rôle, mais s’ils ne sont plus contrôlables, cela devient gênant pour le pouvoir et les bourgeois.
Les politiciens oppositionnels ont, eux aussi, armé des bandes pour bloquer les quartiers populaires lors des opérations « peyi lock » pour renverser Jovenel Moïse. Ils s’interrogent maintenant devant des bandes armées qui ne répondent plus aux ordres de leur commanditaire, qui se sont fournis en armes de guerre et s’affrontent pour le contrôle de quartiers.
Ainsi le quartier baptisé « village de Dieu », situé à la sortie sud de Port au Prince, est devenu en quelques années un quartier général de gangs avec des trafics divers, armes, drogues, d’où se planifient des attaques contre les gangs d’autres quartiers. C’est un lieu de captivité où les personnes kidnappées peuvent être torturées et abattues si les proches ne paient pas la rançon demandée. Dans cette zone, depuis plus de 3 ans, plusieurs milliers d’habitants subissent les exactions de ces hommes armés, le racket, la brutalité allant jusqu’au viol.
La police qui montre ses forces quand il s’agit de s’attaquer à des manifestations de travailleurs demandant l’amélioration de leurs conditions de vie ou un ajustement de salaire, ne fait pas le poids devant quelques malfrats, quelques hommes de main lourdement armés. L’armée et la police protègent les intérêts des bourgeois et des politiciens. Jusqu’ici ils ne voulaient pas bloquer les gangsters. Et maintenant ? On verra bien.
Face à eux, la force des travailleurs et des pauvres réside dans leur nombre et leur organisation. Ainsi en se mobilisant massivement ils ont plusieurs fois réussi à libérer soit des élèves, ou un chauffeur de bus, ou un médecin ; ils ont pu faire plier certains chefs de gang. En organisant leurs propres forces, s’appuyant sur leur nombre, sur des comités armés, avec leur détermination, les habitants des quartiers populaires comme Martissant, Carrefour, Delmas ou ceux de Port au Prince, peuvent faire face aux gangsters. Associés à un parti des travailleurs ils peuvent affronter leurs maitres bourgeois.