Un temple hindou construit à Sainte-Anne, en Guadeloupe, est menacé de démolition suite à la plainte d’un voisin blanc jugeant le temple trop bruyant. Une rumeur fait beaucoup de bruit suite à une pétition contre le passage d’une voiture à pain dans un quartier résidentiel blanc à Bouillante. Le 18 décembre dernier en Martinique un homme a été arrêté à Rivière-Salée pour avoir lâché à ses voisins des propos racistes tels que « les Martiniquais n’ont aucune culture… ils n’aiment que le tam tam » ou encore « ce sont des dégénérés mentaux ».
Les discussions sont fréquentes sur ces sujets et un mécontentement se fait sentir. Ceci est lié aussi au fait que de plus en plus de Blancs venant de France s’installent aux Antilles. Parallèlement, la population locale diminue fortement depuis quelques années. L’émigration des Antillais vers la métropole a commencé à la création du Bumidom (Bureau pour le développement des migrations des départements d’Outremer) en 1963 où le gouvernement a provoqué volontairement l’émigration des populations locales. Aujourd’hui le chômage continue de pousser les jeunes Antillais à partir. Les Blancs viennent s’installer aux Antilles sans difficultés pour trouver emploi, terrain, et pour entreprendre.
Mais surtout, la population constate que la plupart des Blancs vivent entre eux, souvent dans des quartiers aisés. Ils ne se mêlent pas à la population de couleur, ne cherchent pas à créer des liens, n’adhèrent pas aux habitudes et au mode de vie local. Cela entraîne des réactions de mécontentement et parfois des coups de colère. Comme l’été dernier en Martinique, au Diamant, lorsque la population s’est mobilisée contre une femme raciste qui menaçait d’aller déboulonner la statue du « nèg mawon ». Le sentiment de colère est lié aussi au fait que les Blancs font généralement partie de la classe aisée ou bourgeoise. Il y a certes des Noirs et Indiens riches, mais il n’y a guère de Blancs pauvres.
Tout cela réactive périodiquement le sentiment d’oppression raciale. Dans l’histoire sociale des deux îles, l’expression de ce sentiment fut souvent violente lors de grèves ou d’émeutes de quartier. Cela s’explique par plus de trois siècles d’esclavage, d’économie de plantation et de domination des maîtres blancs et de leurs successeurs. Dans les plantations de banane et la grande majorité des entreprises, les patrons sont « blan-béké » ou « blan-fwans », les ouvrières et ouvriers sont des Noirs et Indiens. Les magistrats sont généralement blancs, ainsi que les préfets et chefs des grandes administrations.
Le système esclavagiste et colonial a forgé un système où les classes sociales continuent de se confondre avec la couleur de la peau. D’une manière générale, la bourgeoisie est blanche, la petite bourgeoisie mulâtre ou claire de peau, la classe ouvrière et paysanne pauvre, noire. Il n’est pas étonnant que la population noire et indienne pauvre puisse voir chez les Blancs un ennemi de classe.
La classe ouvrière noire est aussi la frange la plus méprisée. Elle est celle qui subit le plus le mépris raciste et l’oppression de classe. Elle subit toutes les conséquences directes de l’exploitation capitaliste : la misère au travail ou le chômage.
Le sentiment d’oppression raciale est un brûlot social permanent. Mélangé à l’exploitation et la pauvreté grandissantes il est un mélange détonant pour de nouveaux mouvements sociaux explosifs. Qu’ils ouvrent alors la voie à une force révolutionnaire des travailleurs, voilà qui serait le mieux pour l’avenir.