Le 5 février 2009, une grande grève générale démarrait en Martinique. Accompagnée d’un important mouvement social elle devait durer 38 jours. Elle va mobiliser des milliers de travailleurs, des femmes au foyer ou exerçant des petits boulots, des hommes, des jeunes dans la précarité ou au chômage. Elle entrainera aussi des travailleurs indépendants, petits artisans, petits agriculteurs ou artistes. Ils vont trouver leur place dans ce mouvement des salariés qui conteste la toute-puissance sur les salariés du gros patronat, des nantis et de l’État ainsi que l’organisation de la société à leur profit.
Les prémisses
En Guadeloupe, un grand mouvement de protestation dénonçant les bas salaires, les emplois précaires et la hausse des prix des produits de première nécessité démarre en janvier. Il s’amplifie à partir du 20 janvier 2009 avec le LKP.
En Martinique aussi, le mécontentement gronde. Une intersyndicale propose une plateforme de revendications syndicales et populaires. Durant le mois de décembre, des meetings d’explication et de mobilisation sont organisés dans les communes.
Le 5 février, c’est le jour fixé pour la grève générale. Très tôt, la cour de la Maison des Syndicats à Fort-de-France est rouge des tricots des militantes et militants déjà regroupés. Banderoles et drapeaux des syndicats et secteurs d’activité se mêlent. Très rapidement les abords du boulevard Général de Gaulle sont, eux aussi, noirs de monde. Les grévistes ont été rejoints par des centaines de jeunes, étudiants, élèves, chômeurs, agriculteurs et de nombreux groupes de femmes venues des quartiers avoisinants.
C’est désormais une foule de plus de 20 000 manifestants qui dévale les rues de Fort-de-France, tambours en tête. Les slogans fusent. « Pri loyè a, two chè ; pri manjé a, two chè; pri l’esans, two chè; ogmanté lé salè, ogmanté lé pansyion. » ou « 300 èwo pou tous ». Le chant de la grève surgira aussi : Matinik sé tan nou, Matinik sé pa ta yo, an bann profitè-volè, nou ké fouté yo déwo, mais aussi « an bann bétché volè, nou ké fouté yo déwo ». Il sera repris par les manifestants tout au long du mouvement.
Le jour même, le préfet de Martinique, déjà alerté par l’importance des mobilisations en Guadeloupe, décide d’organiser des négociations entre organisations syndicales, patronales et aussi Conseil général et Conseil Régional. Mais devant l’ampleur de la mobilisation et la détermination des manifestants, la grève est reconduite.
Le Collectif du 5 février – K5F – est constitué. Il regroupe les organisations syndicales et diverses associations affirmant lutter contre les injustices, les inégalités et l’exploitation qui bénéficient à l’État français, aux gros possédants békés et autres capitalistes locaux. Il est reconnu par les grévistes et les manifestants.
La grève générale
Le lendemain et les jours suivants, la grève générale, portée par les travailleurs, s’étend à de nombreux secteurs : pompistes des stations-service, ouvriers du bâtiment, de la métallurgie, employés des supermarchés, ceux des entreprises et magasins des zones commerciales, mais aussi agents des établissements scolaires, de la Santé, ceux de la Poste ou des mairies. C’est la grève marchante ! Les grévistes rejoignent les alentours de Fort-de-France, de Schœlcher, de Ducos, mais aussi du Robert ou de Gros Morne. Des barrages bloquent les entrées de certaines zones commerciales comme à Ducos ou Place d’Armes au Lamentin.
Durant 38 jours, la grève est votée et reconduite chaque jour après le compte-rendu par les représentants du collectif des négociations qui se déroulent en préfecture.
Le succès
Le 14 mars 2009, un accord global est signé entre le K5F, le préfet, le patronat, les collectivités. La grève est suspendue. C’est la fin du mouvement d’ensemble.
La grève massive a permis à plusieurs milliers de foyers ayant des bas salaires de percevoir une prime de vie chère de 200 euros par mois pendant trois ans. Cent euros étaient versés par l’État, par l’intermédiaire de la Sécurité sociale : le RSTA (Revenu supplémentaire temporaire d’activité). Les collectivités et l’employeur devaient payer le complément de la prime. Les prix de 400 produits de première nécessité ont été baissés, de même que les tarifs de l’électricité, de l’eau ou les frais bancaires. Durant plusieurs mois, des comités de contrôle des prix se chargèrent activement du contrôle de ces baisses des prix, en particulier dans les supermarchés.
Bien sûr, les points de l’accord signé restent éloignés des revendications légitimes des masses populaires. Et durant plusieurs mois, les salariés devront se mobiliser pour faire aboutir certains accords sur la prime de vie chère dans leur entreprise. Mais grâce à leur mobilisation collective, les travailleurs ont pu arracher des mains des possédants et de l’État un peu plus que les habituelles miettes ! En se mettant en lutte tous ensemble, ils ont aussi obligé l’État et le patronat à les respecter. C’était une victoire !
En février 2009, les journées de mobilisation et les difficultés ont été l’occasion pour les travailleurs et la population laborieuse de faire de multiples expériences. Ils ont pu mesurer leurs faiblesses ou insuffisances mais aussi gagner une plus grande confiance dans la lutte collective. Et cela malgré la campagne de dénigrement que le patronat et ses alliés n’ont pas manqué de déverser sur la grève et ses conséquences sur « l’économie du pays ». Ces 38 jours restent gravés dans la mémoire collective des travailleurs et des couches populaires.