Dans plusieurs entreprises du textile à Port-au-Prince il y a eu des mouvements de grève. Début février, la colère des ouvriers s’est exprimée dans quatre manifestations où ils réclamaient l’augmentation du salaire minimum journalier.
Ce salaire minimum est fixé par le Conseil supérieur des salaires (CSS) et il n’a pas été modifié depuis plus de deux ans alors que le prix du carburant a triplé et l’inflation a dépassé 24 %. Avec la hausse des prix des produits de première nécessité et du transport en commun, le salaire minimum journalier de 500 gourdes (4,50 euros) ne suffit pas à couvrir les dépenses quotidiennes.
Après les grèves dans plusieurs usines de textile, trois syndicats ont appelé à une manifestation le 9 février devant le parc industriel Sonapi. Les ouvriers ont répondu à l’appel, bloquant la route de l’aéroport dès le matin. Avant que la manifestation ne s’organise pour partir, les agents de la police nationale (PNH) sont intervenus avec des véhicules et ont dispersé le rassemblement à coup de gaz lacrymogène. Plusieurs manifestants, dont une ouvrière enceinte, ont été blessés.
La colère des ouvriers n’est pas retombée, et le lendemain 10 février, les entreprises du parc Sonapi étaient en grève. Des milliers d’ouvriers ont de nouveau occupé la route de l’aéroport, marchant en direction du centre-ville, réclamant un salaire minimum journalier de 1 500 gourdes (13,50 euros). Parmi les slogans on relevait « policiers au service des patrons », « allez liquider les gangs des quartiers au lieu d’attaquer les ouvriers », « patrons voleurs remboursez les prélèvements sur l’ONA (assurance vieillesse) ». En tête de cortège les dirigeants syndicaux réclamaient le remplacement des membres du CSS, le Conseil supérieur des salaires. Sur le parcours les travailleurs ont reçu le soutien des habitants, et ainsi, à la dispersion de la manifestation, les policiers qui bloquaient le passage ont reçu des jets de pierres.
Le 11 février les syndicats ont adressé une lettre au ministre du travail demandant l’ajustement du salaire à 1 500 gourdes, avec des accompagnements sociaux.
Il y a eu alors une levée de boucliers des possédants et de leurs serviteurs contre un ajustement du salaire des ouvriers. La presse a relayé la haine de classe et le mépris des patrons pour les ouvriers : un journaliste à la radio s’est interrogé sur ce « qu’ils feront d’une telle somme », le patron Apaid représentant l’Association des industriels d’Haïti (ADIH) a traité les ouvriers de « détritus avec lesquels il ne négocie pas ». Avec Backer, un autre patron, ils ont refusé d’appliquer les 800 gourdes proposées par le ministre du travail. Le CSS, piloté par les patrons, a proposé au final 625 gourdes.
Les 16 et 17 février, les ouvriers ont repris la rue à l’appel des syndicats. Le nombre des manifestants augmentait, dépassant 5 000, ils ne faiblissaient pas dans leur détermination. La zone industrielle a été bloquée pendant deux jours, cette fois la police nationale n’est pas intervenue face au nombre. Les ouvriers étaient prêts à manifester de nouveau le lundi.
Lundi 21 février, le gouvernement de Ariel Henry a annoncé que le salaire minimum journalier dans les usines textiles est fixé à 685 gourdes (6,20 euros). Le gouvernement a lâché du lest pour faire taire la contestation, mais il n’est pas allé au-delà de la limite posée par les patrons dont il est le complice.
Les ouvriers ont repris le travail lundi matin, victorieux, en sachant que rien ne leur a été offert. Pour arracher cette victoire il leur a fallu se battre, se mobiliser, montrer leur force. Elle sera utile face aux patrons qui chercheront à ne pas appliquer les nouveaux salaires.
Dans certaines entreprises des ouvriers se sont organisés pour lancer la grève, écrire des slogans, participer ensemble aux manifestations. Ces liens qu’ils ont tissés leur seront utiles pour de prochains mouvements.