Fin janvier, l’entreprise de sous-traitance textile S et H Global a annoncé le licenciement de 3 500 ouvriers d’ici fin février 2023. Cette entreprise est une filiale du groupe textile sud-coréen Sae-A, Trading Co, l’une des plus grandes entreprises coréennes de fabrication de vêtements dans le monde.
Elle est le plus important employeur au parc industriel de Caracol à Ouanaminthe, près de la frontière dominicaine. Les raisons avancées par cette entreprise sont celles des capitalistes : « les grèves au niveau des douanes, les agitations sociales, la pénurie de carburant provoquée par des gangs qui avaient pris le contrôle du terminal de carburant clé à Port-au-Prince, entrainant une paralysie de la production, blocage des expéditions de produits finis, annulation de commandes et perte de confiance de la part des clients aux États-Unis ».
Tout un long communiqué pour dire qu’après avoir exploité à vil prix la force de travail des ouvriers en Haïti, après avoir réalisé des bénéfices colossaux ce patron va chercher ailleurs d’autres ouvriers à exploiter.
À la suite de l’annonce de cette fermeture, les ouvriers ont manifesté dans trois ateliers le jeudi 2 février en occupant les locaux. Lors de l’intervention des policiers ils ont été expulsés et des machines ont été saccagées. Au final la compagnie a fermé les locaux jusqu’au 22 février. Elle a aussi annoncé que la date du 10 février serait respectée pour le paiement des ouvriers, notamment les préavis.
À Port-au-Prince les patrons de la zone industrielle utilisent des méthodes équivalentes, ils renvoient les ouvriers et les embauchent trois à quatre jours par mois. Pendant ces quelques jours les ouvriers sont contraints de réaliser la production de tout le mois, que le patron stocke pour une revente ultérieure.
En attendant de trouver du travail, pour compléter le salaire, les ouvrières et ouvriers deviennent marchands ambulants. Ils achètent au dépôt un produit, bonbons, cigarettes, sachets d’eau, chips de banane… et parcourent les quartiers en essayant de vendre quelques articles tout en évitant les hommes des gangs armés.
Dans les ateliers il s’est développé un circuit d’échange entre les ouvriers avec des ventes à crédit et lors de la paye chacun rembourse l’autre. Ces mesures de survie individuelles n’empêchent pas de réagir collectivement, ainsi en janvier dans deux entreprises du parc industriel, les ouvriers se sont mobilisés pendant deux jours de grève. Ils ont contraint les patrons à payer le complément de salaire qui leur est dû. Il s’agit de l’ajustement de salaire arraché lors des manifestations de février 2022 et qui n’avait pas été versé jusque-là.
Même sous la dictature des gangs, la solidarité, la combativité, l’organisation des travailleurs permet la réussite de certains combats.