CO N°1306 (6 mai 2023) – La symbolique du mois de Mai en Guadeloupe et en Martinique

Le mois de mai y est marqué par de grands évènements et des luttes menées par les classes laborieuses esclaves ou ouvrières. L’esclavage fut théoriquement aboli une première fois en 1794, à la suite de la Révolution française de 1789.

Cette abolition n’a pas eu le loisir d’être appliquée à Saint-Domingue (Haïti) où les esclaves révoltés avec à leur tête Toussaint Louverture, l’avaient déjà proclamée en 1793. On peut d’ailleurs dire que cette abolition par la Convention ne fait qu’entériner cette situation, pour ne pas perdre Saint-Domingue. Elle fut appliquée en 1794 en Guadeloupe, avec la venue de Victor Hugues qui arma les esclaves pour chasser les Anglais. En revanche, elle ne fut pas appliquée en Martinique, les colons ont préféré passer sous domination de la couronne d’Angleterre plutôt que d’abolir l’esclavage. L’histoire fait un clin d’œil particulier au mois de mai en Guadeloupe avec les dates des 26, 27 et 28 mai qui se répètent en mai 1802, mai 1848 et mai 1967 !

Mai 1802 en Guadeloupe

Après l’abolition, il n’y aura pratiquement plus de grands Blancs en Guadeloupe. Ils sont guillotinés ou ont fui en Martinique occupée par les Anglais. Tous les Noirs seront libres. Mais Napoléon Bonaparte arrivé au pouvoir en 1799, décide de rétablir l’esclavage en 1802. Les troupes du général Richepance débarquent le 6 mai à Pointe-à-Pitre, le 16 mai à Basse-Terre. Louis Delgrès, Joseph Ignace et d’autres officiers noirs se rebellent. Ce sera alors la guerre pour empêcher le retour de l’esclavage. Le 25 mai 1802, Ignace et ses troupes engagent la bataille à Baimbridge, aux Abymes. Ils sont vaincus et Ignace se tire une balle dans la tête en disant « vous n’aurez pas l’honneur de me prendre vivant ». Les survivants sont fusillés au lieu dit Fouillole, là ou est érigée l’université des Antilles actuellement. Après des batailles acharnées mais sans issue, Louis Delgrès et d’autres survivants, cernés et perdus, décident de se faire sauter au cri de « Vivre libre ou mourir !» le 28 mai 1802 à l’habitation D’Anglemont sur les hauteurs de Saint Claude. Pendant de longs mois les troupes de Bonaparte poursuivent les « nègres marrons » dans les bois. Une répression impitoyable jalonne ces mois sanglants.

Mai 1803 en Haïti

À la suite de la révolte des esclaves, la liberté générale est proclamée en Haïti en 1793. Toussaint Louverture avec son armée de 4 000 hommes chasse les Espagnols puis les Anglais. Il dirige le pays depuis 1796 et se fait proclamer gouverneur à vie en 1801. Bonaparte craint de perdre le contrôle sur ce qui fut la plus prospère colonie du monde. Le 1er février 1802, Bonaparte a envoyé 86 vaisseaux transportant une armée de 22 000 soldats à Haïti (à l’époque Saint Domingue) pour rétablir l’esclavage. Apprenant ce qui s’était passé en Guadeloupe, la rumeur de rétablissement de l’esclavage à Saint-Domingue devenait une certitude pour tous. L’armée d’anciens esclaves grossissait et une insurrection était en marche contre les troupes envoyées par Bonaparte et le rétablissement de l’esclavage. Après la capture de Toussaint Louverture, c’est Jean Jacques Dessalines qui est consacré général en chef de l’armée au congrès de l’Arcahaie du 15 au 18 mai 1803. La lutte menée par les troupes d’anciens esclaves noirs s’est soldée par une célèbre victoire. À Vertières, le 18 novembre 1803, avec un équipement moindre, ils ont vaincu la plus puissante armée d’Europe. Haïti sort ainsi de la domination militaire française. Elle proclamera son indépendance le 1er janvier 1804 par la voix de Jean-Jacques Dessalines.

22 mai 1848 en Martinique

Le 22 mai, l’esclave Romain est arrêté et emprisonné pour avoir joué du tambour. Son arrestation déclenche des manifestations de colère. C’est ainsi qu’il est libéré le jour même. Malgré sa libération, les esclaves continuent à manifester. Une milice esclavagiste ouvre le feu sur la manifestation et fait plusieurs morts. Une insurrection se déclenche alors à Saint-Pierre et se répand dans l’île. Les esclaves en colère s’attaquent aux maîtres les plus cruels. Le 23 mai, le gouverneur Rostoland décrète l’abolition. Le décret d’abolition officiel n’arrive qu’au mois de juin. Les esclaves ont eux-mêmes brisé leurs chaines sans attendre sur qui que ce soit ! Le décret officiel d’abolition n’arriva qu’au mois de juin. De toutes façons, ce n’est pas la « république » de Darmanin qui avait décrété l’abolition le 27 avril 1848, c’était la république révolutionnaire, contre les Darmanin de l’époque, mise en place par les travailleurs en février 1848.

27 mai 1848 en Guadeloupe    

En Guadeloupe, depuis quelques années, les esclaves ne se soumettaient plus. Les esclaves étaient au bord de la révolte ouverte. Ils organisaient des départs groupés des plantations ou de l’île. Le climat insurrectionnel contraignit le gouverneur Layrle à abolir l’esclavage le 27 mai 1848, comme l’avait fait avant lui celui de la Martinique.

Mai 1967 en Guadeloupe  

Contre des ouvriers du bâtiment en grève et les manifestations de colère de la population, les forces de répression firent une tuerie. Les grévistes revendiquaient 2 % d’augmentation. Le 26 mai, alors qu’ils étaient en négociation avec les patrons, les forces de l’ordre tirent sur les manifestants rassemblés sur la Place de la Victoire. Jacques Nestor, militant nationaliste est ainsi abattu d’une balle en plein ventre.  S’ensuivirent deux jours de massacre dans les rues de Pointe-à-Pitre et des Abymes. Pendant des dizaines d’années le gouvernement a caché le lourd bilan de la répression : il y eut plusieurs dizaines de morts ainsi que des dizaines de blessés. Il s’ensuivit l’arrestation et l’emprisonnement de plusieurs militants anticolonialistes en Guadeloupe et en France considérés comme responsables d’une soi-disant rébellion. Il fut prouvé qu’il n’en était absolument rien.