Le Docteur Henri Bangou est décédé le 21 novembre dernier. Né en juillet 1922, il était âgé de 101 ans. Ses obsèques ont attiré une foule nombreuse. Issu d’une famille de tendance socialiste, il devint militant du Parti Communiste français durant ses années d’étude. Revenu en Guadeloupe en 1953, il fut l’un des fondateurs du Parti communiste guadeloupéen en 1958.
L’origine stalinienne
Ce dernier était jusque-là fédération de Guadeloupe du Parti communiste français depuis 1945. Il est resté fidèle allié de l’URSS (Union des républiques socialistes soviétiques) jusqu’à la disparition de cette fédération qui n’était plus révolutionnaire depuis 1923 mais contre révolutionnaire. En effet la bureaucratie soviétique dirigée par Staline avait pris le pouvoir à partir de 1923. Après la mort de Lénine, elle élimina méthodiquement les révolutionnaires qui avaient fait la révolution de 1917 en Russie, jusqu’à les faire fusiller en masse dans les années 30. Trotsky fut assassiné par un agent de Staline en 1940.
C’est donc à cette bureaucratie là que furent liés tous les partis communistes du monde et singulièrement le Parti communiste guadeloupéen. Leur rôle n’était plus de défendre jusqu’au bout les intérêts de la classe ouvrière mondiale et de la préparer aux révolutions contre la bourgeoisie. Ce rôle consistait à défendre les intérêts de l’URSS face à la puissance impérialiste des USA et de l’occident. Ce fut celui qui était assigné à toute une génération d’intellectuels et dirigeants des partis communistes.
L’URSS utilisa bon nombre de dirigeants ouvriers et d’intellectuels. Henri Bangou fut l’un d’eux. Pendant longtemps il se rendait en URSS comme bien des apparatchiks étrangers et était reçu avec les honneurs. Mais tous ces gens n’avaient de communiste que le nom. La plupart étaient surtout en fait sociaux démocrates.
Carrière et changement d’étiquette
La carrière d’Henri Bangou a démarré comme 1er adjoint du maire « communiste » Hector Dessout, puis élu maire de Pointe-à-Pitre en 1965. Il fut constamment réélu jusqu’en 2008, où il fut remplacé par son fils Jacques. Il a été Conseiller Général de 1967 à 1985 et Conseiller Régional de 1975 à 1986.
De 1986 à 1995 il a été sénateur, d’abord communiste, puis apparenté.
En 1991 il jeta l’étiquette Communiste et déclara avec ses camarades avoir été dans l’erreur. Henri Bangou fut l’un de ceux qui provoquèrent la plus grave scission du PCG. Il fut l’artisan de la création du PPDG, Parti progressiste démocratique guadeloupéen, un parti bourgeois comme bien d‘autres.
Cardiologue de profession, il était également diplômé de lettres. Il a écrit plusieurs ouvrages historiques et essais sur la question coloniale, l’esclavage. Son livre sur l’histoire de la Guadeloupe est une référence.
La rénovation urbaine de Pointe-à-Pitre
Il a bénéficié de beaucoup d’estime de la population pauvre de la ville de Pointe-à-Pitre pour une raison essentielle : la rénovation urbaine de Pointe-à-Pitre. Des milliers de logements sociaux ont remplacé les petites cases en bois misérables. Les faubourgs de Pointe-à-Pitre étaient des quartiers de taudis, sans eau courante, sans électricité, sans sanitaires. Des maladies tel l’éléphantiasis ou « gwo pyé » y sévissaient. Henri Bangou a entrepris une rénovation à large échelle qui a permis de faire sortir cette population des quartiers insalubres. Il a aussi fait bâtir des écoles de quartier.
Un homme politique du statu quo
Mais sa préoccupation vis-à-vis des plus pauvres n’allait pas jusqu’à soutenir leurs luttes. En 1967, la grève des ouvriers du bâtiment pour l’augmentation des salaires a entrainé une insurrection populaire qui s’est terminée par un massacre. Bangou ne l’a pas soutenue. À l’instar du pouvoir colonial, il en attribuait l’origine au groupe nationaliste le GONG en occultant la révolte contre les conditions de misère et d’oppression dont il était pourtant forcément conscient.
L’image que l’on peut donc garder d’Henri Bangou est celle d’un intellectuel brillant qui voulait certes le bien du peuple et a œuvré en ce sens avec efficacité, mais à condition que chacun reste à sa place sans remettre en cause l’ordre social.