CO N°1321 (10 février 2024) – Sénégal – Report des élections présidentielles sur fond de colère populaire

Le chef de l’État Macky Sall veut contrôler les élections prévues le 25 février 2024. Il a désigné son Premier ministre Amadou Ba comme son dauphin.

Pour assurer sa victoire, il a écarté de la liste des concurrents celui qui semblait le plus gênant, Ousmane Sonko, élu de l’opposition, n°3 au précédent scrutin. Celui-ci a été  arrêté fin juillet 2023 pour « appel à l’insurrection » et « atteinte à la sûreté de l’État », son parti est dissout : il n’a plus le droit de se présenter aux élections présidentielles ! Mais la Commission Électorale Nationale Autonome chargée de valider les candidatures contredit la décision d’écarter cette candidature : Macky Sall limoge les membres de la commission et en désigne d’autres.

Cela ne lui a pas suffi. Alors qu’Ousmane Sonko, pour diffamation d’un élu, et un autre candidat populaire sont en prison, il lui faut s’assurer qu’ils ne seront pas retenus. La campagne électorale devait commencer lundi 5 février. Le 4, le Président annule le décret fixant les élections au 25 février. Il accuse de corruption deux des juges de la commission. Celle-ci devait s’assurer que les candidats avaient obtenu le parrainage de 44 231 électeurs et de 13 députés ou 120 maires. Pour Ousmane Sonko, l’administration a refusé de remettre ses parrainages.

Sur les 93 postulants, la commission en a retenu 20. Pour Macky Sall, certains candidats n’auraient pas dû être rejetés, en particulier Karim Wade, fils et ministre de l’ex-président Abdoulaye Wade. Il aurait menti et aurait toujours la double nationalité, serait inscrit dans une commune en France. Macky Sall traite les juges de xénophobes. Au final ni Karim Wade, ni Ousmane Sonko ne seront retenus. Ce report a déclenché la colère des opposants politiques qui appellent la population à manifester le 4 février. Dakar est vite couvert de barrages, comme souvent depuis 2021. Les accès de colère comme les départs en pirogue vers d’autres continents sont devenus courants.

Le gouvernement français exige du président du Sénégal « que les élections puissent se tenir dans le meilleur délai possible et dans le respect des règles de la démocratie sénégalaise ».

« L’Union européenne (…) appelle tous les acteurs à œuvrer, dans un climat apaisé, à la tenue d’une élection, transparente, inclusive et crédible, dans les meilleurs délais et dans le respect de l’État de droit, afin de préserver la longue tradition de stabilité et de démocratie au Sénégal ».

Ces exigences montrent que le président du Sénégal a des comptes à rendre à ces dirigeants du monde capitaliste, qu’il est en quelque sorte à leur service. Ces dirigeants savent et craignent la colère des masses pauvres du Sénégal, celles qui ont quitté leurs campagnes pour la ville où règnent chômage, vie chère et misère.

 

Note extraite du  Journal « Le pouvoir aux travailleurs » de nos camarades africains

Le 31 juillet 2023, à Zinguinchor, principale ville de la région de Casamance dont Ousmane Sonko est maire, il y a eu deux morts parmi les manifestants qui protestaient contre la mise à l’écart de leur leader. Quelques semaines plus tôt, début juin 2023, lors de sa première condamnation pour « corruption de la jeunesse », les affrontements entre policiers et manifestants avaient déjà fait 16 morts d’après les autorités, une trentaine selon l’opposition.