CO N°1323 (09 mars 2024) – Chlordécone : une loi, en guise d’excuse ?

Après des années de déni, après le non-lieu par les tribunaux le 2 janvier 2023, le Parlement a, ce 29 février, voté une loi censée permettre d’indemniser les victimes de l’empoisonnement au chlordécone.

En Martinique et en Guadeloupe le nombre de malades de cancer pour 100 000 habitants serait un des plus élevés au monde, trois fois plus élevé que dans l’Hexagone. Il touche de très nombreux travailleurs des plantations de banane dont beaucoup sont déjà décédés !

Cette loi, proposée, devrait faire reconnaître la responsabilité de l’État et permettre qu’il indemnise les victimes. Notons en passant que les gros planteurs, les békés, peuvent continuer tranquillement à faire croire qu’ils avaient le droit de laisser les travailleurs répandre le produit ou laver les bananes dans une eau chargée en chlordécone, sans gants ni masques, quitte à faire chaque jour des malaises, cela pendant des années. Pourtant en 1972 lors de l’introduction en Guadeloupe et en Martinique de cet insecticide, vrai poison, le chlordécone était déjà rejeté aux États-Unis. Il était responsable d’une grave pollution, soupçonné d’être cancérigène. L’usine qui le fabriquait avait dû être détruite en 1976 !

La loi a été votée par une minorité :100 députés. Et il y a eu 76 abstentions. Il semble que trois quarts des députés étaient « de repos » ce jour-là. Ceux du parti de Macron, ceux de la majorité, du moins les quelques uns présents, se sont abstenus. La loi devra passer devant les sénateurs et revenir pour un dernier vote au Parlement. Les députés qui la soutiennent semblent optimistes.

Les travailleurs des bananeraies ont déjà eu à déposer des dossiers à la Sécurité sociale pour ces fameuses indemnités. Pour le dossier il faut être malade. Il y a une liste de plusieurs cancers, pas seulement celui de la prostate, reconnus comme dus au chlordécone. Il faut fournir le document de « la première consultation médicale liée à la maladie ». Cela n’est pas toujours facile. Et il faut donner la preuve que la contamination est professionnelle ! Pas évident non plus ! Les employés de la Sécurité sociale chargés de recevoir ces dossiers doivent en permanence écrire en France pour éclaircir les règles à respecter. Les sommes attendues sont inconnues et très basses, environ 300 € par mois.

Il faudra probablement lutter encore pour de vraies indemnités.

Une molécule qui contamine tout !

Outre les contaminations professionnelles, ce poison qui a envahi la terre et les eaux des deux îles donne des cancers aux hommes et aux femmes et aux jeunes enfants, des troubles neurologiques. Les pêcheurs sont handicapés par cette molécule : dans la mer elle contamine les poissons et les oblige à de grands déplacements coûteux pour pêcher. Elle est responsable de la pollution des « racines », ignames, patates douces… et appauvrit les agriculteurs.