Le 25 avril 1974, bien avant les premières lueurs du jour, de jeunes officiers du Mouvement des Forces Armées (MFA) mettent leurs troupes en marche vers Lisbonne. Les militaires s’emparent de chaque point stratégique du pouvoir.
En milieu d’après-midi ils nomment en tant que président le général Spinola, mettant ainsi fin à la dictature de Salazar qui durait depuis 48 ans au Portugal.
Le Portugal vivait sous une dictature depuis 1926. Une dictature policière qui était dirigée par Salazar puis par son successeur Marcelo Caetano.
Quelle était la situation ?
En 1974 le pays était l’un des plus pauvres en Europe et l’inflation y était la plus marquée. Pour maintenir ses possessions coloniales, il s’enlisait dans des guerres contre les mouvements indépendantistes comme en Angola ou au Mozambique : en 1973, 43 % du budget de l’État était officiellement consacré aux guerres des colonies. Les hommes avaient l’obligation de s’enrôler dans un service militaire de quatre ans. Les désertions étaient courantes et se comptaient au fil des ans en centaines de milliers.
Face aux pertes considérables liées aux guerres coloniales, les officiers de l’armée demandèrent des solutions politiques à Marcelo Caetano. Le régime était incapable de tout compromis. En 1973, une partie des officiers subalternes, issus de la petite bourgeoisie portugaise, organisa alors le Mouvement des Forces Armées (MFA) à l’origine du putsch du 25 avril.
En février 1974, le vice-chef des Armées, António de Spinola, s’opposa publiquement au pouvoir en place, en publiant « Le Portugal et l’avenir ». Il fut l’homme choisi par la bourgeoisie pour prendre la tête du pouvoir.
Le 25 avril, la nouvelle junte militaire au pouvoir promettait la mise en place d’une démocratie bourgeoise avec l’organisation future d’élections libres. Elle promit également la sortie de la crise coloniale. La décolonisation était complète en 1975.
Intervention de la population
La chute du régime de Caetano mit toute la population en mouvement. Les grèves, les manifestations, les occupations de logements, de grandes propriétés et d’usines en amenèrent beaucoup à s’engager politiquement et syndicalement. La politique pénétra aussi les casernes.
Les mesures pour freiner cet élan de la population ne se firent pas attendre. Par exemple les putschistes avaient voulu, dès le début des opérations, freiner la révolte des masses populaires. Toute la journée du 25 avril des messages, diffusés à la radio par la junte militaire ordonnaient à la population de rester calfeutrée chez elle. Les foules enthousiastes descendirent quand même dans les rues pour manifester. Elles essuyèrent les tirs de la police du régime dictatorial qui firent 6 morts.
Le gouvernement provisoire était constitué du MFA et de partis sortis de la clandestinité : le Parti Communiste et le Parti Socialiste, avec l’assentiment de la classe bourgeoise. Loin d’appuyer les initiatives révolutionnaires, le Parti Communiste sera en réalité admis dans les rangs du gouvernement pour tenir en main la classe ouvrière. Le parti implanté dans cette classe fera en sorte de faire reprendre le travail et de modérer les revendications.
Des révoltes continuèrent durant près de deux ans, jusqu’au 25 novembre 1975 où se consolida l’alliance des militaires et des partis au gouvernement. Ils mirent fin à la politisation des ouvriers, des paysans et des soldats du rang et firent rentrer l’armée dans les casernes.
Le coup d’État du 25 avril 1974, appelé « la révolution des œillets », créa une ouverture pour les exploités qui tentèrent de se mobiliser pour leurs propres intérêts. Sans l’émergence d’une véritable avant-garde révolutionnaire capable de mener la lutte, l’élan de la classe laborieuse fut finalement neutralisé.