CO N°1341 (4 janvier 2025) – Il y a 170 ans – L’arrivée des « engagés » indiens en Guadeloupe

Dans la nuit du 24 au 25 décembre 1854, le convoi des premiers travailleurs immigrés indiens accostait dans la rade de Pointe-à-Pitre. 312 Indiens débarquèrent de l’Aurélie après un voyage de trois mois depuis l’Inde pour travailler dans les champs de cannes en Guadeloupe.

Entre 1854 et 1889 près de 43 000 Indiens seront débarqués en Guadeloupe, emmenés par 93 convois surnommés les « coolies boats ». En Martinique les premiers des 25 509 Indiens immigrés arrivèrent à Saint-Pierre le 6 mai 1853.

Des dizaines de milliers d’Indiens furent amenés en Guadeloupe, Martinique et en Guyane durant quatre décennies sous la pression des colons anciens esclavagistes. Ils venaient de plusieurs contrées d’Inde. Il s’agissait surtout de paysans pauvres engagés sous de belles promesses ou par la violence et même par le rapt. Le voyage ensuite était un calvaire. Sur les navires il n’était pas rare que des engagés, parfois 10 % du convoi, trouvent la mort.

L’esclavage aux Antilles prit fin en 1848, les anciens esclaves qui s’étaient débarrassés du système servile sont difficilement retournés aux plantations. Les propriétaires des habitations, puis ceux des usines sucrières avaient besoin de briser la force de cohésion des ouvriers noirs affranchis de l’esclavage, pour baisser les salaires. L’arrivée massive d’une main-d’œuvre étrangère et « bon marché » était un moyen d’arriver à leurs fins.

Les ouvriers ou « cultivateurs » indiens travaillaient sous une forme déguisée d’esclavage. Ils étaient engagés pour cinq années dans une habitation, leur salaire représentait le quart de ce que les Noirs revendiquaient. Une sorte de « Code », la convention franco-britannique de 1861, régissait leurs conditions de travail et les obligations du planteur qui les engageait, avec rations de nourriture, soins, quota horaire de travail…

Mais les propriétaires terriens ne s’engageaient pas à grand-chose. Les travailleurs Indiens étaient contraints et enchainés par la misère et la violence. Plusieurs milliers de travailleurs indiens ont péri dans ces plantations, des punitions physiques existaient, les rations alimentaires étaient faibles, les maladies mortelles comme le paludisme fréquentes. En Guadeloupe les Indiens « récalcitrants » selon l’autorité coloniale étaient enfermés, condamnés à périr à l’Ilet à cabrit aux Saintes, ou envoyés au bagne de Cayenne.

Les contrats, obligatoires depuis la convention de 1861, promettaient le retour en Inde des engagés aux frais de la colonie. Cette mesure n’était pas respectée, les travailleurs retournés au pays ne furent probablement qu’un nombre réduit.

Des formes de résistance témoignent de la souffrance que les travailleurs indiens enduraient. De nombreux engagés se sont suicidés, d’autres se sont échappés. Ils mirent parfois le feu à la plantation.

Les Indiens n’étaient pas les seuls travailleurs « engagés » emmenés de force aux Antilles françaises. Il y en avait aussi  d’Afrique, les « Congos », de Chine… Ce trafic a maintenu l’enrichissement des ex propriétaires d’esclaves.