CO N°1351 (24 mai 2025) – Martinique – 22 mai 1848, les esclaves brisent leurs chaines

Ces journées de révolution anti esclavagiste de mai 1848 ne surgissent pas comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Elles sont amenées par la grande révolution des esclaves haïtiens qui, un demi-siècle plus tôt, a fait surgir la première république noire.

Depuis 1801, date à laquelle elle se trouve sous domination anglaise, la Martinique est marquée par une agitation grandissante des esclaves, ponctuée de révoltes de plus en plus importantes. Les luttes de la jeune bourgeoisie française avec la révolution de juillet 1830, puis les journées de barricades des ouvriers parisiens en février et juin 1848, sont pour les esclavagistes des coups de semonce. Elles renforcent l’exigence de liberté qui s’impose parmi les esclaves et les hommes libres.

La révolte à Saint-Pierre

La révolte est déclenchée le 20 mai 1848 dans la ville de Saint-Pierre à la suite de l’incarcération de l’esclave Romain. Son maitre a fait fermer l’atelier où il travaillait pour le punir d’avoir joué du tambour malgré son interdiction. Les esclaves protestent contre cette brimade. Le maitre d’esclaves, furieux, porte plainte devant le maire. Romain est jeté en prison. En quelques heures, la nouvelle se répand. Des milliers d’esclaves et aussi de petites gens, libres de couleur (domestiques, dockers, porteurs) venus des ateliers, des habitations, de Saint-Pierre ainsi que de la ville du Prêcheur, se massent dans la ville. Ils sont armés de piques et de coutelas. Ils exigent la libération de l’esclave Romain.

L’insurrection se propage

C’est face à cette colère que l’avocat Pory-Papy, adjoint au maire et un des Noirs libres parvenus à la fonction d’élu, fait relâcher Romain. Les esclaves, renforcés par les agriculteurs des environs, restent mobilisés. Désormais, ils empêchent que des représailles soient exercées par le conseil municipal de Saint-Pierre contre Pory-Papy. La manifestation se disperse. Mais, alors que les centaines d’esclaves venus du Prêcheur retournent au bourg, ils se trouvent face aux forces de répression appelées par François Huc, le maire et gros propriétaire esclavagiste du Prêcheur. Elles veulent les désarmer. Une fusillade sanglante s’ensuit. Elle fait plus de 20 morts ou blessés parmi les esclaves et les « libres ». Le soir même, une bataille se déroule dans les rues du Prêcheur. Des maisons et des habitations sont incendiées. Tandis que les premiers blessés arrivent à Saint-Pierre, la colère enfle dans la ville. Elle gagne très vite ateliers et habitations de toutes les communes de la Martinique. Le 22 mai, elle est à son comble dans les ateliers aux environs de Fort-de-France, du Lamentin, mais aussi au Marin, à Sainte-Marie, au Lorrain, à Trinité, au Gros Morne. Des esclaves et des Libres, armés de coutelas, menacent de bruler maisons ou habitations, tuer les colons les plus cruels, envahir les villes. La répression aussi s’apprête à monter d’un cran avec l’arrivée du bateau militaire « La Caravane » dans la rade de Fort Royal.

L’abolition est décrétée

C’est alors que le 22 mai au soir, le conseil municipal de Saint-Pierre se réunit en urgence. Pour éteindre l’embrasement qui s’annonce, il vote l’abolition de l’esclavage. Le lendemain, 23 mai à 15 heures, Rostoland, le gouverneur de l’île, décrète l’abolition de l’esclavage. La nouvelle est accueillie par une explosion de joie parmi la population.

Le décret d’abolition officiel pris le 27 avril 1848 par le gouvernement provisoire de France et amené par les commissaires généraux Gâtine et Perrinon n’arrivera en Guadeloupe et en Martinique que début juin 1848.Les esclaves ne les ont pas attendus !

Aujourd’hui, commémorer la révolution anti-esclavagiste du 22 mai, c’est prendre exemple sur ces grandes luttes passées pour renforcer les luttes d’aujourd’hui et de demain dans ce système capitaliste. Car l’esclavage moderne continue. Il est perpétué par la classe capitaliste, blanche, béké, noire, mulâtre, asiatique, contre les travailleurs de Martinique et de Guadeloupe, et dans le monde entier. Tout comme les esclaves, les travailleurs n’ont rien d’autre à perdre que leurs chaînes en renversant ce système capitaliste.