Le 25 août dernier, préfet et procureure de Martinique annonçaient dans un communiqué qu’une enquête judiciaire avait été ouverte pour « utilisation frauduleuse » de produit à base d’éthéphon sur les bananes plantains (bananes jaunes). L’État annonçait aussi la mobilisation de ses services concernés pour stopper une éventuelle filière. La préfecture de Guadeloupe ouvrait à son tour une enquête.
En Martinique et en Guadeloupe, l’utilisation de l’éthéphon est interdite sur les bananes. Mais la molécule a été trouvée sur des bananes plantains commercialisées lors de contrôles effectués par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) Martinique. Elle serait utilisée par certains producteurs de filières non contrôlées, pour accélérer le passage de la couleur verte à la couleur jaune des bananes plantains, améliorant ainsi leur présentation. La banane plantain n’est pas produite par les gros planteurs notamment békés. Leur coopérative, Banamart, a d’ailleurs sorti un communiqué pour préciser qu’ils n’étaient nullement concernés.
Aujourd’hui, l’ANSES (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation), préconise de « ne pas consommer de bananes plantains, par précaution ».
En France, l’éthéphon, est utilisé pour le murissage de certains fruits. La molécule a été classée par l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) en 2015 comme « légèrement dangereux », « peu susceptible de présenter un risque cancérigène »… Cet organisme indique aussi que pour les utilisateurs du produit, (les ouvriers agricoles), l’utilisation peut entrainer des brûlures de la peau, des lésions oculaires, des diarrhées, des crampes d’estomac ou l’augmentation de l’appétit.
En Martinique, comme en Guadeloupe, ce qui est présenté aujourd’hui, comme « l’affaire éthéphon » n’éclate pas dans un ciel serein.
L’État se veut actif quant à des nécessaires mesures de précautions face à l’usage illicite de la molécule. C’est bien un minimum. Mais il n’a pas la même attention pour les conditions d’utilisation des herbicides et des bains de fongicides, pesticides et autres molécules toxiques dans les champs de bananes et les hangars.
Il se veut aussi réactif, n’excluant pas des « mesures au pénal » pour les contrevenants à la réglementation en cours. Mais les responsables du scandale du chlordécone, eux, ne sont toujours pas jugés et courent toujours. Pire, les plaintes déposées sur cette affaire sont aujourd’hui menacées d’un non-lieu. Si les pollueurs empoisonneurs étaient jugés et sévèrement condamnés cela aurait peut-être dissuadé d’autres producteurs en quête de surprofits de se lancer dans des démarches frauduleuses. Certes, il faut se méfier de l’éthéphon comme de tous les produits chimiques. Mais comment ne pas se demander comme certains si le remue-ménage médiatique de l’État autour de l’éthéphon, alors qu’il ne fait que son boulot, n’est pas de la diversion ?