L’état d’urgence a été levé en Nouvelle-Calédonie après deux semaines de violentes émeutes, mais la situation reste tendue. Ce qui a mis le feu aux poudres : le projet de loi constitutionnelle modifiant le corps électoral, qui a été adopté le mercredi 15 mai par l’assemblée nationale, à 17 000 km du territoire concerné.
Macron, en visite éclair, a évoqué la possibilité de soumettre le projet de réforme à un referendum national, une provocation supplémentaire.
Une population victime des manœuvres coloniales
Il s’agit pour le gouvernement français d’élargir le corps électoral aux résidents installés depuis plus de dix ans. L’objectif du pourvoir colonial est de maintenir la population kanake dans une situation d’infériorité, tant politique que sociale. Dans les années 80, les Kanaks se sont révoltés contre le racisme, le mépris colonial, la misère qu’ils subissent. En 1998, les accords de Nouméa ont établi que seuls les résidents inscrits sur les listes électorales en 1998 et leurs descendants auraient la possibilité de voter lors des élections locales. C’est cet accord qui est remis en question. Cela revient à intégrer 25 000 non Kanaks au corps électoral.
L’État français a colonisé la Nouvelle-Calédonie il y a 170 ans. De nombreux Kanaks ont été massacrés, les autres déportés dans les régions les plus pauvres. Le pouvoir français a alors posé les bases d’une colonie de peuplement. Il s’agissait d’imposer dans le pays une population d’origine européenne suffisamment importante pour appuyer la domination coloniale.
Les Kanaks qui représentent 41,2 % de la population sont toujours victimes du chômage, de la misère, de l’exploitation.
Révolte contre la misère
Si la réforme du corps électoral a été l’étincelle, le feu qui couve puis explose depuis des années vient bien de cette situation d’inégalité qui révolte en particulier la jeunesse.
C’est ainsi que la ville de Nouméa, la capitale majoritairement peuplée d’une population caldoche privilégiée, a été la cible des émeutiers. Pillages, bâtiments incendiés, barrages, pendant des jours et des nuits, sont autant de témoignages du sentiment profond de révolte contre l’injustice qui anime les laissés pour compte.
La réponse du pouvoir colonial a été et demeure la répression avant tout. Des milliers de gendarmes et autres forces de répression ont été dépêchés par voie aérienne. Des Blancs caldoches ont constitué impunément des milices armées. Il y a eu officiellement huit morts, dont six Kanaks, mais comme en 1967 en Guadeloupe, la réalité est sans doute plus lourde.
La population kanake réagit de façon légitime avec toute l’énergie nécessaire pour répondre à des décennies d’écrasement. Les travailleurs non-kanaks sont eux aussi victimes de la politique coloniale qui entretient un climat de tension. Pour mettre fin à cette situation dont l’impérialisme est entièrement responsable, il faudra renverser ce système qui ne peut exister qu’en piétinant une partie d’un peuple et en dressant une communauté face à l’autre.
Encadré : Lettre de Messmer
Depuis plus d’un siècle, l’impérialisme français mène une politique de « peuplement » de la Nouvelle-Calédonie pour rendre la population kanake minoritaire dans son propre pays.
En 1972, le Premier ministre Pierre Messmer l’expliquait avec un parfait cynisme : « La revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire. » Le maire de Nouméa, le bourgeois caldoche Roger Laroque, le disait encore plus crûment : « Il faut faire du Blanc, faire venir des métropolitains. »
(extrait d’un article de P Vandrille de Lutte ouvrière)