Depuis le début de l’année, des mouvements de colère et de protestation ont éclaté dans plusieurs usines sur la zone industrielle de Port-au-Prince.
Alors que dans les quartiers les ouvriers sont sous la menace des gangs, ils laissent la majorité de leur salaire dans les transports pour aller au travail. En arrivant dans les usines, ils sont sous le diktat des patrons et subissent une exploitation féroce. Mais ils ne baissent pas les bras et répliquent avec des coups de colère, ils redressent la tête et réclament ce qui leur est dû.
À l’usine Valdor, plus de 500 ouvriers travaillent dans le textile produisant des maillots et autres chemises pour un salaire journalier de 500 gourdes équivalant à 4,5 euros. En novembre les ouvriers ont manifesté leur mécontentement devant l’augmentation des cadences et la baisse des salaires alors que la valeur de la gourde chutait. La direction a réagi en fermant l’usine durant le mois de décembre sans paiement pour les ouvrières. La reprise prévue le 5 janvier a été repoussée au 20 puis au 31 janvier. Au final, le 30 janvier, la direction a déclaré que l’usine resterait fermée jusqu’à nouvel ordre.
Dans un courrier elle prétexte « que les commandes ont été annulées et qu’il manque des fonds pour fonctionner », et les directeurs ont disparu pour ne pas payer les indemnités de licenciement. Cette magouille est régulièrement utilisée par les patrons dans les entreprises avec l’aval du ministère des Affaires Sociales.
Cette fois, les ouvriers n’ont pas accepté le lock-out, et prévenus de la présence du directeur adjoint le 31 janvier, ils ont envahi l’usine. Au passage ils ont retenu le directeur jusqu’au 2 février, se relayant ainsi pour occuper l’usine pendant trois jours.
Les ouvriers mobilisés demandent le paiement des préavis de licenciement et de toutes les sommes qui leur sont dues au titre de bonus de fin d’année, d’assurance maladie et de retraite. Le 2 février le directeur a reçu l’aide des dirigeants syndicalistes de la CNOHA (Conférence nationale des ouvriers haïtiens) qui sont venus le libérer. Prenant l’affaire en main, ils se sont fait accompagner d’un juge de paix et d’un notaire pour placer des scellés et faire déguerpir les ouvriers. Ayant sauvé le patron, ils ont alors promis d’entreprendre des négociations, mais loin de l’usine, dans les locaux des Affaires Sociales.
Le 3 février, plusieurs centaines d’ouvriers étaient présents devant les Affaires Sociales avec des slogans réclamant leurs arriérés de salaires, obligeant les responsables à les rencontrer. Les chefs syndicalistes ont été reçus et ont accepté la proposition d’une autre entrevue repoussée au 10 février. Une autre manœuvre pour retarder une décision de la direction et entrainer le découragement chez les ouvriers.
Face à cela, les ouvrières, qui sont en majorité dans l’usine, ne démordent pas, ne se découragent pas. Elles veulent obtenir ce qui leur est dû. Certaines se regroupent, se concertent en vue de contrôler les agissements du syndicat pour ne pas se faire léser dans la négociation.