Le 20 février, le président Luis Abinader a lancé la construction d’une barrière de béton sur la frontière avec Haïti, qui aura 164 km de long. Le but de ce projet, conclu de concert avec Jovenel Moïse, le président assassiné, en janvier 2021, est, selon lui, de permettre le « contrôle de l’immigration clandestine ».
En Haïti la situation des ouvriers, des paysans, de la population pauvre en général se dégrade de jour en jour. Dans les quartiers, il n’existe pas de service public, il n’y a pas d’eau, pas d’électricité dans des logements insalubres. La santé et l’éducation publiques sont délabrées. Les gangs contrôlent les quartiers populaires. Dans les usines, avec un salaire journalier autour de 5 euros les ouvriers s’échinent pour permettre la survie de leur famille.
Face à ces conditions de vie misérables, ils sont des milliers à émigrer à la recherche d’une vie meilleure. Ainsi, en 2018 ils étaient près de 500 000 Haïtiens à vivre à Saint-Domingue.
Cette migration qui aujourd’hui est dénigrée par le gouvernement dominicain a été une des bases sur laquelle la bourgeoisie dominicaine a bâti sa fortune.
Du début du 20e siècle jusqu’à la chute de Duvalier en 1986, l’État dominicain a acheté les braceros, coupeurs de cannes, aux autorités haïtiennes pour ensuite les louer aux raffineries du pays. Dans les années 80, plus de deux millions de dollars étaient encore alloués à l’achat d’immigrés sous couvert de « frais administratifs de recrutement ». À partir des années 1980, c’est dans le secteur de la construction que les entreprises dominicaines ont employé de plus en plus les migrants haïtiens pour des salaires insignifiants.
Cette exploitation de la main d’œuvre s’est associée au racisme et à la xénophobie envers les migrants haïtiens allant jusqu’au pogrom. C’est ainsi que le président Trujillo avait organisé le massacre de 12 000 Haïtiens dans les zones frontalières, en octobre 1937. Avec les années 2000 les méthodes d’expulsion ont changé, mais le mépris de la bourgeoisie dominicaine est resté. La politique migratoire s’est durcie avec des vagues d’expulsions des années 2010 et des fermetures temporaires de la frontière.
La construction de ce mur est une retombée de la montée des nationalismes dans le monde liée à l’accentuation de la crise économique internationale. Le gouvernement dominicain défend les intérêts de la bourgeoisie et flatte les sentiments racistes et xénophobes pour se maintenir au pouvoir.