CO N°1291 (10 septembre 2022) – Martinique : il y a 74 ans, l’affaire des 16 de Basse-Pointe

L’habitation Leyritz, une exploitation sucrière dans la commune de Basse-Pointe, est gérée par des békés, descendants d’esclavagistes. L’un d’eux, Guy de Fabrique, est assassiné le 6 septembre 1948 durant une grève. Seize ouvriers de la canne vont être arrêtés et jugés à la cour d’assises de Bordeaux.

Au moment des faits, trois ouvriers de l’habitation Leyritz travaillent sur une autre habitation pour un salaire plus élevé. De Fabrique refuse de s’aligner sur ces salaires et ordonne le licenciement ainsi que l’expulsion des trois ouvriers qui logeaient sur la plantation. À cette époque, il était courant que des ouvriers soient « casés », logés dans des « cases » sur la propriété du béké, comme au temps de l’esclavage.

Une grève démarre au mois d’août 1948 en solidarité avec les trois ouvriers. Le 6 septembre, Guy de Fabrique se rend à l’habitation avec un revolver et escorté de deux gendarmes. Arrivé sur place, face à une soixantaine de grévistes, il tire en l’air pour disperser la foule. On retrouvera plus tard son corps sans vie, lardé de 36 coups de coutelas, dans un champ de canne.

Dix-huit ouvriers sont arrêtés. Deux sont relâchés au bout de deux ans de détention provisoire. En 1951, l’affaire est déportée à la cour d’assises de Bordeaux. Onze avocats ont défendu les 16 accusés. Ces avocats sont pour la plupart membres des Partis communistes français, martiniquais et guadeloupéen.

Finalement, le 15 août 1951, les 16 ouvriers de la canne sont acquittés.

La grève et l’assassinat du béké se déroulent en 1948, cent ans après l’abolition de l’esclavage. Le contexte colonial demeure. À de nombreuses reprises des ouvriers en lutte ont été tués par la soldatesque coloniale. Par ailleurs, cinq mois avant cette affaire, en mars 1948, trois ouvriers de la canne ont été tués durant une grève dans la commune du Carbet.

Aucune preuve n’existe que les « 16 de Basse-Pointe » ont commis l’assassinat. Cependant, l’assassinat du possédant béké en 1948 n’est que le revers d’une violence physique et sociale que subissaient les travailleurs de la part des békés.