Le 25 mai dernier la CTM, Collectivité territoriale de la Martinique, a reconnu « la langue créole comme langue officielle, au même titre que le français ». Cette délibération fut votée à l’unanimité moins une voix. La réaction colonialiste du représentant de l’État français en Martinique ne s’est pas fait attendre.
Le préfet a demandé à Serge Letchimy, président de l’exécutif de la CTM de retirer cet article de la délibération sous prétexte que la seule langue officielle est le français. Dans une lettre du 19 août dernier, Letchimy refuse la demande du préfet et lui répond même par une lettre en créole. Qu’il ait poliment envoyé le préfet blanc sur les roses cela ne peut que plaire à tous, lobby colonial mis à part. Il est sûr que juridiquement la décision de la CTM sera rejetée car anti constitutionnelle. Mais l’important n’est pas là. L’intervention de Letchimy a le mérite de rompre le ronron habituel des dirigeants et élus des assemblées locales de Martinique et Guadeloupe. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois.
Après l’adoption du drapeau de la Martinique et sa levée officielle par Letchimy, l’adoption d’un hymne martiniquais, le président de l’exécutif local soigne son image de défenseur de « la Martinique ». Mais Letchimy, proche de la gauche française classique, qui entend s’opposer au colonialisme, est aussi le même Letchimy qui a soutenu les gouvernements français de cette même gauche. Ces derniers ont tous mené une politique anti ouvrière pour les besoins de la bourgeoisie et donc aussi pour ceux des bourgeois noirs et du lobby béké de Martinique et de Guadeloupe. Exemple entre beaucoup d’autres : les milliards versés par Hollande à la bourgeoisie par le biais du CICE.
Alors les travailleurs, les exploités n’ont aucun intérêt à faire de Letchimy leur défenseur. Défendre « la Martinique » ou défendre le créole, n’est pas défendre les intérêts des travailleurs et des pauvres. Car il y a deux Martinique : la Martinique des riches et la Martinique des travailleurs et des pauvres. Quant au créole, les travailleurs et la majorité de la population, le défendent très bien eux-mêmes. Voilà bien longtemps que ces derniers, eux, dans les faits, ont fait de cette langue leur langue officielle. Car dans cette classe on s’exprime et on pense en créole à plus de 99 %.